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    Chapitre II

    Écris assis par terre à la lumière du jour

     

     

     

    Toute la nuit, ma première nuit en prison, si choqué j’étais par ce brusque revirement de situation, commotionné par mon entrevue avec Pierre que je ne pus fermer l’œil. Je souffrais confusément d’avoir perdu ma vie d’avant, conscient, quoique si peu, d’avoir laissé là-bas des êtres chers, ma mère, un ami malade et peut-être d’autres personnes dont j’avais oublié jusqu’au visage et jusqu’au nom. Je me rappelais surtout, par saccades, avec une fiévreuse angoisse, des éléments du quotidien qui ne m’appartenait plus. Des meubles anciens, des livres rares et des paperasses dont il avait fallu me débarrasser mais j’ignorais dans quelles conditions. J’avais sacrifié mon existence entière à ce grand Commencement ainsi que le nommait avec son ironie douce-amère l’intraitable Pierre. Autant dire qu’en bradant aveuglément tous mes biens pour je ne sais quelle cause dont le sens dépassait mon entendement j’avais également mis au clou l’homme que j’étais avant le grand chambardement. J’étais désormais sans identité, couché nu sous le ciel. Un ciel réduit au format d’un mouchoir avec lequel il ne me restait plus qu’à sécher mes reniflements.

     

    D’où viens-tu n’arrêtais-je plus de me demander avec une obsession pénible. Si tu te rappelais d’où tu viens, peut-être comprendrais-tu  enfin où tu es. Peut-être serais-tu libre de décider à tu vas. Mais comme dit l’autre, si tout est écrit, à quoi bon lutter pour te refaire une vie décente. Tu ne peux pas revenir en arrière. Si tout au moins tu pouvais obtenir des réponses aux questions que tu te poses. Mais Pierre est comme un mur qui te coupe du monde. Il est un obstacle à la lumière et à la vérité. Les trous noirs sont plus cléments que ce roc humain planté en travers de ton chemin.

     

    Sur les coups de cinq ou six heures du matin je vis s’incruster la petite broche d’argent sur mon carreau noir. Mon premier rendez-vous avec l’étoile du matin. Blanche et brillante elle était en dépit du fort taux d’humidité qui voilait et brouillait la vitre. En étirant le bras au-dessus de moi je pus même sentir au bout de mes doigts la froide mouillure du verre  et s’écailler la peinture du cadre. Absent je léchai mes doigts pour retrouver le goût de l’air libre. Ce n’était qu’un peu d’eau mais qui me fit un mal de chien parce qu’il n’était plus question pour moi d’aller me balader dans les rues. A vrai dire il n’était plus question de rien. Je n’avais plus ni soif ni faim. Je n’avais pas non plus spécialement sommeil bien que je me sente affreusement fatigué. Et j’avais mal dans tout le corps, certes, mais noyé comme j’étais dans les vagues de la nostalgie je souffrais plus d’être séparé de mon passé que d’être logé à cette enseigne inconfortable.

     

    J’avais envie de voir Pierre.

     

           

                [A suivre]


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  • Je voudrais dire à mes lecteurs ce matin, du moins aux deux blogueurs qui m'ont laissé des commentaires pendant les trois jours où j'essayais de tolérer (!) les interventions extérieures : vos commentaires ne sont pas effacés. Ils existent toujours dans mon administration. Seulement ils ne sont plus visibles que par moi.

    On me dit d'humeur changeante. Je suis en effet très versatile. Surtout j'essaie de faire plaisir : vous regrettiez que mon blog soit fermé aux commentaires alors j'ai voulu vous permettre de m'en laisser. Mais au fond de moi-même je sentais que c'était une erreur. J'avais pris l'habitude, entre temps, d'échanger des messages privés avec certains de mes visiteurs. Et ça me convenait très bien.

    Versatile donc mais finalement assez fidèle à moi-même. J'en reviens toujours à mes premiers choix, lesquels me semblent fondés : je crains les débats publics ; je leur préfère le tête-à-tête, certainement plus sincère et plus riche de sens.

    En outre je n'ai pas le temps matériel de gérer les commentaires ET les e-mails. Cela représente beaucoup trop de lecture, c'est une charge bien trop lourde. Bloguer c'est une chose ; écrire en est une autre.

    Et pour finir... c'est vraiment très frustrant quand on revient sur son blog (ouvert aux commentaires) de n'y trouver trace d'aucun passage. Ça, c'est propre à vous saper l'inspiration.

    En conclusion je dirais : les com, c'est trop ou pas assez. Même si je n'ai pas à me plaindre (je n'ai jamais reçu de com futile du style : kikou poutou atal, traduisez coucou bisou à tout-à-l'heure) je trouve absurde et dérangeant qu'on commente en direct mes écrits sur mon blog : fait-on des commentaires (publics !) à l'auteur du livre qu'on lit chez soi au coin de la cheminée ? 

    La critique négative publique (donc en com)qu'on m'a écrite à propos des Fragments m'a fait rompre avec l'écriture des mois durant. Ce n'est pas le but du blog ! Si j'ai un blog c'est pour faire vivre mon écriture et garder trace de mes écrits.

    Les blogs créent du lien et favorisent les échanges. Le mien, tout fermé qu'il était aux commentaires, m'a permis de faire la connaissance d'un auteur et de discuter littérature à bâtons rompus.

    Mon blog n'est donc pas complètement une forteresse armée. Mon blog reste ouvert aux avis privés.


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