•  

    La preuve vivante de la suprématie de l'esprit sur la matière

     

    denise-legrix-3.png Dans la seconde partie de son livre "Ma joie de vivre", Denise Legrix s'éloigne de sa vie personnelle pour se rapprocher des autres et de Dieu. En 1960, le jury du Prix Albert Schweitzer est présidé par Jean Rostand, et les délibérations ont lieu à Paris au Palais d'Orsay. Le Prix Albert Schweitzer lui est décerné pour son premier livre "Née comme ça". S'ensuit une tournée de conférences qui la conduiront aux États-Unis pour y recevoir le Prix Lane Bryant du dévouement. Jour après jour, s'appuyant sur son expérience personnelle, elle réfléchit aux moyens, pour tous, de dépasser et de surmonter un handicap de quelque nature et de quelque origine qu'il soit, de naissance comme c'est son cas, ou causé par une maladie, un accident, ou la guerre. C'est la première personne à dire qu'il ne faut pas appeler "handicapé" une personne ayant un handicap : car "être handicapé" désigne un état définitif ; alors que "avoir un handicap" sous-entend que la situation peut évoluer non seulement à force d'efforts et de volonté, mais aussi grâce à de l'aide extérieure, et surtout grâce à l'amour.

    "Je suis certaine que la pire erreur consiste à laisser la personne avec un handicap dans son état, et la rendre en quelque sorte "différente" par notre "indifférence". Il faut que, dans la société, elle se considère et soit considérée comme tout individu responsable de lui-même et devant les autres. Il ne faut pas qu'on le place sur une voie de garage, en disant : "Il n'y a rien à faire ..." Il y a toujours quelque chose à tenter ! Ne serait-ce que de donner le plus grand des biens qui est la dignité."

    Elle n'aura de cesse jusqu'à sa mort en 2010 de faire entendre son vibrant plaidoyer pour le respect de la vie. Ainsi se trouve-t-elle en 1962 directement impliquée dans les débats qui font fureur dans le cadre du procès de Liège : une maman a tué sa petite fille qui est née sans bras. A cette époque-là, un somnifère passant pour être inoffensif, la thalidomide, et prescrit aux femmes enceintes est responsable de malformations des membres supérieurs chez les nouveaux-nés. Denise Legrix sera invitée par son éditeur à prendre part à une conférence de presse évoquant l'affaire.

    "Qu'ai-je dit ? Que j'étais née, moi, dans une famille où l'on m'avait acceptée au même titre que mes deux aînés, enfants normaux ... Que je n'avais jamais eu l'impression d'être un fardeau pour mes parents, au contraire ... Qu'en m'aimant, on m'avait appris à aimer. Qu'un être qui se sent aimé tente de se rendre utile à ceux qui l'aiment et, du même coup, développe au maximum toutes ses capacités ... "

    "Je proclame, j'affirme que je suis heureuse de vivre ! "

    Vivre, joie de vivre, aimer la vie : c'est son leit-motiv. Elle n'en démordra pas jusqu'à son dernier souffle.

    "J'aime la vie.

    Or, on ne vit bien que dans l'effort. Perdre le goût de l'effort, c'est perdre la joie de vivre. Il y a des gens qui réussissent dans la vie.

    Mais la seule réussite n'est pas celle de l'argent, ni de la domination.

    La seule réussite est celle de la vie intérieure.

    Certaines vies réussies sont des vies obscures. Des vies de pauvreté. Des vies ignorées.

    A chacun la réussite qu'il mérite.

    Et dans ce formidable élan de vie qui fait d'elle ce qu'elle est Denise multiplie les rencontres avec non seulement des personnes ayant un handicap, mais aussi des délinquants, des détenus, des petits enfants de la rue, des drogués ... même une minette qu'elle fera sienne jusqu'au jour où : "Mais un matin, j'ouvris les volets, croyant l'avoir entendue, hélas nous ne l'avons jamais revue. Nous avons cherché sur la route, les allées, partout.

    "Adieu Minette".

    Et tous les gens qu'elle croise reçoivent un peu de sa force. Des enfants sans mains apprennent à manger tout seuls avec sa fourchette spéciale. Des partisans de l'euthanasie se reconvertissent en faveur du droit de vivre pour tous. La voilà en Israël, à ressentir dans sa chair éprouvée la souffrance de Jésus crucifié. Partout où elle passe, elle donne de sa force et de sa joie. Les années passant, elle se fait de plus en plus simple et humble.

    "Née privée de bras et de jambes, je ne suis peut-être qu'une partie de l'humain. Mais qu'importe si cette partie, précisément, est porteuse d'âme ? Qu'importe, si ce petit corps peut faire plus, grâce à ce manque, qu'il n'aurait fait dans sa plénitude matérielle ? "

    "Le grand secret de l'homme, sur la terre des hommes où nous vivons, n'est-ce pas de découvrir, envers et contre tout, en nous-mêmes, les pépites d'or de l'humain afin de pouvoir partager ce trésor souterrain avec les autres."

    ... Et en 1970, elle donne naissance à son enfant : L'ANEEAD ; Association Nationale d'Entraide aux Enfants et Adultes Dysmaliques.

    Une oeuvre, une vie. Destin exceptionnel d'une femme exceptionnelle. Exceptionnelle non parce qu'elle était privée de bras et de jambes. Mais parce qu'elle en a fait plus, avec son lourd handicap, que le commun des mortels.


    8 commentaires
  • Denise-Legrix.jpgDon de la nature, un tableau de Denise Legrix, peintre de la bouche

     

    Née comme ça

     

    Née en 1910 à Cahagnes dans le Calvados, Denise Legrix décède centenaire en 2010 à Lisieux dans le Calvados.

    ... Tout commence avant-hier : Tandis que je mange, mes yeux se promènent évasivement sur le titre des livres qui surchargent ma bibliothèque. Un titre qui ne me dit rien, soudain retient mon attention : "Ma joie de vivre". Tiens, me dis-je, c'est quoi ce livre, je crois bien ne l'avoir jamais lu. Pour en avoir le coeur net je prends l'ouvrage en main. Là, je me fige : sur la couverture en photo, une femme très belle avec des moignons à la place des bras.

    Denise Legrix est née comme ça : sans bras ni jambes. Elle est atteinte de dysmélie : c'est un handicap physique caractérisé par la malformation, ou l'absence, des os longs des bras ou/et des jambes.

    Dès son plus jeune âge, Denise n'entend pas rester le pantin qu'on fait chanter sur la table : elle travaille de toutes ses forces au gain de son autonomie. Mettant le moindre tabouret à contribution pour se déplacer toute seule sans l'aide de personne. Il en va de même avec ses repas, sa boisson, qu'elle prend par elle-même ; elle apprend à écrire ("Le papier accepte tout. Quel incomparable confident ! ") ; elle se met à la couture ... mais surtout se découvre très jeune une vocation pour la peinture. Rien ne peut venir à bout de sa volonté, de son courage et de sa ténacité. Denise Legrix se fera connaître comme étant une peintre de la bouche. Elle est aussi l'auteur d'un premier livre "Née comme ça" qui sera traduit en sept langues et qui lui vaudra en 1960 le Prix Albert Schweitzer.

    Et du courage il lui en faudra pour surmonter son handicap, les terribles ragots des voisins, l'impensable cruauté des forains qui séquestrent, exhibent, exploitent "la femme-tronc".

    C'est là qu'on se dit : faut-il vraiment laisser vivre un enfant dont on sait qu'il souffrira toute sa vie d'une horrible infirmité, le livrant au regard et au jugement impitoyables des autres. Denise elle-même, sitôt qu'elle est en âge de raisonner, se pose la question : "Pourquoi le bon Dieu l'avait-il fait ? (Finaud le canard boiteux) Et moi ? Étions-nous des sacrifiés ? J'entendais bien monsieur le Curé, quand il passait à la maison, répéter que j'étais bénie, que les enfants disgraciés étaient ceux que le bon Dieu aimait le plus. Drôle de façon d'aimer, avouons ! Non ! Une simple distraction du ciel".

    D'un autre côté ... cette enfant est en si bonne santé, elle se bat tellement pour s'en sortir : de quel droit l'aurait-on empêchée de vivre ?

    "Et je couds, je fais de la tapisserie - une descente de lit pour Francette (sa poupée préférée) - tout en continuant à épier les battements de mes tempes et du temps."

    "Ma joie de vivre" est un livre dur, surtout dans ses premières pages où l'auteur décrit les apprentissages tous plus ardus les uns que les autres de sa petite enfance en marge, sans jambes et sans mains. Je dirais qu'il faut s'accrocher pour surmonter un premier réflexe ... de rejet. Une fois qu'on a franchi le cap des tout premiers apprentissages, on se prend d'envie d'avancer à toute vitesse dans le récit de ses épreuves et de ses exploits. Des épreuves qui, bien souvent, nous feront revoir à la baisse nos petits soucis de santé, nos petits tracas quotidiens. C'est vrai : qu'est-ce que nous ferions sans nos mains ?


    4 commentaires
  • Elle-.-lui-.-Francoise-Massin.jpgMon Dieu que ce livre est beau... C'est un bouleversement. J'ai maintenant la blessure de cette femme au fond du coeur.

     

    L'auteur de ce récit, Françoise Massin, ne souhaite pas qu'on découpe son texte pour en livrer des extraits donc je m'abstiendrai d'en copier des passages ici. Il va falloir me croire sur parole : c'est un des plus beaux livres que j'ai lus.

     

    Résumé de l'ouvrage - Une passion naît entre une femme et un homme le 21 juin 2007, jour de la Fête de la Musique. Ils échangeront 800 mails (600 émaneront d'elle et 200 seront rédigés par lui) elle écrit surtout la nuit, jusqu'au 27 juillet 2007. Une folle passion naîtra. Leur rencontre durera trois jours. Mais lui était en fait un borderline. La chute sera terrible. Le récit reprend stricto sensu une partie des échanges d'écriture de chacun. Mais c'est une autre personne qui raconte l'histoire de cette femme et de cet homme à un ami. Tout ce qui est entre guillemets est la réalité de ce qui a été écrit et échangé.

     

    Biographie de Françoise Massin - Ancienne avocat de vocation tardive ayant exercé auparavant d'autres métiers avant de reprendre des études. Mère de deux enfants. Vivant seule. Passionnée de musique, de chant et d'art en général.


    9 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique