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Par Thaddée S. le 4 Janvier 2012 à 20:52
Né à Turin en 1919, Primo Levi s’est donné la mort le 11 avril 1987 dans sa ville natale, dans sa maison paternelle. On lui doit plus particulièrement un ouvrage, traduit dans de nombreuses langues, intitulé Si c’est un homme, dans lequel il analyse la nature complexe du malheur vécu personnellement dans les camps de concentration. Pendant des années, il se déclare fervent opposant au suicide avant de s’y soumettre quand même dans un moment de grande détresse physique et morale.
la mort et la mort volontaire à travers les pays et les âges
Pourquoi un écrivain fondamentalement optimiste mettrait-il fin à ses jours ? C'est aux réponses à cette interrogation que l'écrivain Myriam Anissimov, née en Suisse dans un camp de réfugiés, a consacré plusieurs années de recherches. Le résultat : une monumentale biographie - la première - de l'intellectuel italien Primo Levi dont l'oeuvre est souvent présentée comme un pont entre deux mondes : l'avant et l'après-Auschwitz.
Primo Levi s'est donné la mort le 11 avril 1987 à l'âge de soixante-huit ans, en se jetant dans la cage d'escalier de l'immeuble où il a toujours vécu.
Pages personnelles de Michel Fingerhut
Primo Levi. - Je suis arrivé à Turin le 19 octobre 1945, après trente-cinq jours de voyage: la maison était toujours debout, toute ma famille, vivante, personne ne m'attendait. J'étais enflé, barbu, mes vêtements déchirés, et j'eus du mal à me faire reconnaître. Je retrouvais la vitalité de mes amis, la chaleur d'un repas assuré, la solidité du travail quotidien, la joie libératrice de raconter. Je retrouvais un lit large et propre, que le soir, avec un instant de terreur, j'ai senti céder mollement sous mon poids. Mais j'ai mis des mois à perdre l'habitude de marcher le regard au sol comme pour chercher quelque chose à manger ou à vite empocher pour l'échanger contre du pain, et j'ai toujours la visite, à des intervalles plus ou moins rapprochés, d'un rêve qui m'épouvante.
C'est un rêve à l'intérieur d'un autre rêve, et si ses détails varient, son fond est toujours le même. Je suis à table avec ma famille, ou au travail avec des amis, ou dans une campagne verte ; dans un climat paisible et détendu, apparemment dépourvu de tension et peine ; et pourtant, j'éprouve une angoisse ténue et profonde, la sensation, précise d'une menace qui pèse sur moi. De fait, au fur et à mesure que se déroule le rêve, peu à peu ou brutalement, et à chaque fois d'une façon différente, tout s'écroule, tout se défait autour de moi, décor et gens, et mon angoisse se fait plus intense et plus précise. Puis c'est le chaos ; je suis au centre d'un néant grisâtre et trouble, et soudain je sais ce que tout cela signifie, et je sais aussi que je l'ai toujours su : je suis à nouveau dans le Camp et rien n'était vrai que le Camp. Le reste, la famille, la nature en fleur, le foyer, n'était qu'une brève vacance, une illusion des sens, un rêve. Le rêve intérieur, le rêve de paix, est fini, et dans le rêve extérieur, qui me poursuit et ma glace, j'entends résonner une voix que je connais bien.
Elle ne prononce qu'un mot, un seul, sans rien d'autoritaire, un mot bref et bas ; l'ordre qui
accompagnait l'aube à Auschwitz, un mot étranger, attendu et redouté: debout, "Wstawac".EXTRAITS DE 'PRIMO LEVI ET FERDINANDO CAMON : CONVERSATIONS'
"Pessimiste dans les idées, optimiste dans les actions" dit D. Amsallem
Le 11 avril 1989, la thèse du suicide est mise en avant, après une dépression, une opération de la prostate.
Est-ce un suicide éthique d'un homme accablé par le négationnisme, accablé par le suicide de Paul Celan, de Jean Amery ?
Il a pu s'agir d'un accident.
Lui, chimiste, aurait pu trouver d'autres moyens. Réservé, il aurait pu rechercher une façon plus réservée. A t-il eu une chute de tension, un vertige ? La concierge venait d'apporter le courrier, elle a entendu la chute.
A t-il rappelé la concierge dans la cage d'escalier, à la rampe très basse ? Est-ce un acte incontrôlé ? un accident ne peut pas être exclu.La fin tragique de Primo Levi ne vient pas contredire son œuvre. Son message reste très actuel 15 ans après sa mort.
Amicale des déportés d'Auschwitz
1 commentaire -
Par Thaddée S. le 4 Janvier 2012 à 15:47
Primo Levi, Si c'est un homme
Titre original : Se questo è un uomo
Traduit de l'italien par Martine Schruoffeneger
Giulio Einaudi éditeur s.p.a., Turin, 1958 et 1976
Julliard, pour la traduction française,1987
Si c'est un homme : historique d'un récit "écrit dans la tête" ; le parti-pris de la raison ; Primo Levi : le mystère de sa mort
Je me demande en ce début d'année s'il est bien opportun de me lancer dans la rédaction compliquée d'articles de fond vu qu'à peine ai-je tourné le dos le nombre de visites chute de 19 à 6, preuve en soi que "la réciprocité des saluts sur la toile" a bien plus d'importance et compte beaucoup plus que le contenu à proprement parler du blog. Il me semble que si je me bornais à mettre une petite image piquée sur le Net, mais qu'en contrepartie je prenne la peine de courir dire bonjour de droite et de gauche, je pourrais garantir à mon blog un rang digne de ce nom. Sauf que je n'ai pas du tout envie de piquer une petite image sur le Net. Je sors à peine d'un livre qui me bouleverse jusqu'aux moelles et vous risquez d'en baver : j'ai prévu d'écrire une série d'articles sur le livre et son auteur.
Que dis-je, un livre.
Bien plutôt un morceau de vie, de viande crue que j'ai du mal à digérer. Je ne sais même pas par où commencer tant j'ai de choses à dire. Dès les premières lignes du récit voilà que je me demande en me raidissant : "Ceux qui ont lu mon récit Fragments d'une vie brisée , ont-ils aussi lu Si c'est un homme ? " Et s'ils les ont lus tous les deux, n'ont-ils pas été tentés comme moi de faire un rapprochement ? Pourquoi la personne qui m'a prêté ce livre de Levi, et qui a lu Fragments d'une vie brisée , ne m'a-t-elle pas dit qu'ils se ressemblaient un peu ? N'y a-t-il que moi pour voir ce que ces deux récits ont en commun ? Au point qu'on pourrait croire que mes Fragments, je les ai écrits après avoir lu Si c'est un homme . Ce qui n'est pas le cas. Avant d'avoir ce livre entre les mains, je confesse pour ma plus grande honte n'avoir jamais même entendu parler de Primo Levi.
Mais tandis que j'avance dans la lecture, m'apparaît un certain nombre de différences entre les deux récits (le sien et le mien). J'en trouve confirmation dans l'appendice écrit en 1976 pour l'édition scolaire de Si c'est un homme.
[...] "lorsque j'ai écrit ce livre, j'ai délibérément recouru au langage sobre et posé du témoin plutôt qu'au pathétique de la victime ou à la véhémence du vengeur : je pensais que mes paroles seraient d'autant plus crédibles qu'elles apparaîtraient plus objectives et dépassionnées ; c'est dans ces conditions seulement qu'un témoin appelé à déposer en justice remplit sa mission, qui est de préparer le terrain aux juges. Et les juges, c'est vous." [Primo Levi]
Une de mes lectrices me reprocha le ton pathétique de mon récit. Je peux lui répondre aujourd'hui : "C'était le cri d'une victime, plus que la déposition d'un témoin". Elle accusa l'esclave des mines d'être passif et résigné. Ce à quoi je peux lui répondre aujourd'hui : "Mais pour se révolter, il faut être fort, et mon esclave ne l'était pas. Le travail à la mine, la faim, les dures conditions de vie, l'affaiblissaient, l'anéantissaient, le déshumanisaient. Il n'avait pas les moyens, non plus que les occasions, de se révolter".
Au dos du livre, j'ai relevé cette phrase qui remet en question toute ma conception de la littérature, et plus précisément la conception de ma propre écriture. On doit ces mots à Angelo Rinaldi qui éprouve un goût certain pour la poésie, les romans noirs américains, la pureté de la langue française, qui se montre volontiers féroce envers les auteurs « à la mode » (Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet, Philippe Sollers, Julia Kristeva, Philippe Djian, Michel Houellebecq, Christine Angot) et qui témoigne de son admiration pour certains écrivains « rares » qu'il a fait redécouvrir à un public plus large (François Augieras, Marguerite Audoux, Olivier Larronde, Fritz Zorn, Elizabeth Taylor, Jean Rhys, Italo Svevo...).
[...] "Si la littérature n'est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n'est que futilité." [Angelo Rinaldi]
C'est remettre en question tous mes romans futuristes, lesquels dénoncent une humanité régressée dans un monde fini.
L'édition que j'ai entre les mains affirme sans l'ombre d'une ambiguïté que Primo Levi s'est donné la mort en 1987. Je n'ai pu m'empêcher de bondir. En effet je ne comprends pas, je me refuse à comprendre qu'un homme ayant eu la force morale de survivre aux camps décide de se suicider quarante ans plus tard. Une autre version de son décès, laisse à penser qu'il serait tombé dans l'escalier de son immeuble. Et que sa mort était donc accidentelle.
Les livres ont leur destin, écrivait-il. Et l'homme a ses mystères. L'auteur et son livre en moi déclenchent de fortes turbulences, de même qu'en déclenchèrent la lecture de Smara écrit par Michel Vieuchange, et la rédaction plus que douloureuse de mes Fragments.
"Je suis conscient des défauts de structure de ce livre, et j'en demande pardon au lecteur. En fait, celui-ci était déjà écrit, sinon en acte, du moins en intention et en pensée dès l'époque du Lager. Le besoin de raconter aux "autres", avait acquis chez nous, avant comme après notre libération, la violence d'une impulsion immédiate, aussi impérieuse que les autres besoins élémentaires ; c'est pour répondre à un tel besoin que j'ai écrit mon livre ; c'est avant tout en vue d'une libération intérieure. De là son caractère fragmentaire : les chapitres en ont été rédigés non pas selon un déroulement logique, mais par ordre d'urgence. Le travail de liaison, de fusion, selon un plan déterminé, n'est intervenu qu'après." Si c'est un homme |Primo Levi]
"Je puis cependant affimer une chose, c'est que si je n'avais pas vécu l'épisode d'Auschwitz, je n'aurais probablement jamais écrit. Je n'aurais pas eu de motivation, de stimulation à écrire [...] Ce fut l'expérience du Lager qui m'obligea à écrire : je n'ai pas eu à combattre la paresse, les problèmes de style me semblaient ridicules, j'ai trouvé miraculeusement le temps d'écrire sans avoir à empiéter ne fût-ce que d'une heure sur mon travail quotidien : ce livre - c'était l'impression que j'avais - était déjà tout prêt dans ma tête et ne demandait qu'à sortir et à prendre place sur le papier." Appendice 1976 |Primo Levi]
Traduction de l'article en anglais par Flavius
1/2 heure de manip' et d'attente pour obtenir une traduction... en français
1 commentaire -
Par Thaddée S. le 28 Novembre 2011 à 16:43
Retrouvé dans mon tiroir à souvenirs ce tout petit livre doré dont j'avais oublié l'existence. Je le tiens de ma famille, il n'en a que plus de valeur. Je l'ai feuilleté bien sûr. Je vous livre ici les textes qui m'ont le plus parlé.
Un jour, quand
nous aurons maîtrisé
les vents, les vagues, les
marées et la pesanteur,
nous exploiterons
l'énergie de l'amour.
Alors, pour la seconde
fois dans l'histoire
du monde, l'homme aura
découvert le feu.
PIERRE TEILHARD DE CHARDIN (1881-1955)
L'homme en quête de sens
priait quand l'infirme, le
clochard et le vaincu passèrent
près de lui. En les voyant, le
saint homme plongea dans une
profonde prière et dit : "Mon
Dieu, comment un créateur
aimant peut-il voir ces choses
sans rien faire ? " Et après un
long silence, Dieu répondit,
"J'ai fait quelque chose,
je t'ai fait, toi".
ENSEIGNEMENT SOUFI
Sois indulgent ; chaque être
que tu rencontres livre
une dure bataille.
JOHN WATSON
Il y a tant de gens qui disent
qu'ils veulent sauver le monde.
Essaie simplement de sauver
ton quartier, d'accord ?
REV. CECIL WILLIAMS
Finis les grandes actions et les
grands projets, les puissantes
institutions et la réussite
éclatante. Je suis pour ces forces
humaines minuscules, invisibles
et aimantes qui passent d'individu
à individu, qui s'infiltrent par
les fissures du monde comme
d'innombrables petites racines ou
comme l'eau qui suinte et qui, si
on leur en laisse le temps,
produiront les plus solides
monuments de fierté.
WILLIAM JAMES (1842-1910)
10 commentaires
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