Depuis qu’elle est au ciel des mouches la mouche constate qu’au ciel des mouches on fête Noël bien en avance, c’est à dire en même temps qu’Halloween et la Toussaint. Ce qui fait qu’on trouve des chocolats de Noël au milieu des citrouilles et des chrysanthèmes. Mais ça peut se comprendre : la Toussaint, tout ça, c’est des fêtes humaines. Alors c’est normal qu’au ciel des mouches on se mélange un peu…
- Les pinceaux, dit la mouche en rêvant paresseusement à son atelier de peinturlure.
- Les pédales, grogne d’un air renfrogné sa compagne, cette saleté de négresse verte de cantharide camée jusqu’aux yeux.
Bien sûr avec les chocolats de Noël on trouve aussi les décorations pour les sapins et les jouets pour les moucherons, les éléphanteaux roses et les souriceaux verts. Donc, rien d’étonnant à ce qu’on livre un jour, à l’atelier de peinturlure de la mouche, une jolie boite ornée d’un gros ruban rouge.
- Ma perle d’Orient ! s’exclame la mouche toute retournée, ma goutte d’absinthe, c’est toi qui me fais envoyer ce joli cadeau !
- Ben non c’est pas Noël répond cette saleté de négresse verte de cantharide camée jusqu’aux yeux.
- Mais qu’est-ce que tu m’as acheté là ! chante la mouche en commençant à défaire le gros nœud rouge, mais qu’est-ce que tu m’as acheté là !
- Ouvre pas c’est pas Noël la prévient cette saleté de négresse verte de cantharide camée jusqu’aux yeux.
Mais la mouche est bien trop excitée. Elle défait le nœud. Ecarte le ruban. Soulève le couvercle. Jette un œil à l’intérieur de la boîte.
Boum !!!
« Ben merde » fait la mouche. Et le souffle de l’explosion ratatine les deux mouches à vingt mètres du paquet cadeau.
C’est le gros panache de fumée qui sort par la cheminée de l’atelier de peinturlure qui rameute les Grandes Instances du ciel des mouches. « Ben merde, disent les Grandes Instances, on dirait que ça chauffe chez ces tapettes de négresses vertes camées jusqu’aux yeux. » Vite, les Grandes Instances du ciel des mouches revêtent l’uniforme réglementaire avant d’aller rendre aux deux mouches la visite qui s’impose. Devant la porte, c’est le plus triste des spectacles qui leur saute aux yeux : les deux mouches sont par terre les pattes en l’air ; au milieu de l’atelier de peinturlure fume ce qui reste d’un joli paquet cadeau.
- Ca devait arriver, s’excusent les Grandes Instances en aidant la mouche à se remettre d’aplomb. Avec l’ouverture des frontières y a des cigognes qui en ont profité pour passer des colis piégés.
Pendant que les Grandes Instances époussettent la mouche, cette saleté de négresse verte de cantharide camée jusqu’aux yeux regarde, par terre, son joli revêtement vert-doré cassé en mille morceaux. Elle est toute noire maintenant la mouche verte.
- Y a pas à dire, dit-elle en tordant le cou pour se regarder le dos, des coups pareils ça vous refait une beauté.
- Lumière de mes yeux ! hurle la mouche en la voyant toute noire, qu’est-ce qu’ils vont dire maintenant que tu es toute noire pour de vrai !?