• Amor, 1ère partie Chap. I (fin)

    - Eh bien marche et tourne en rond si c’est ce que tu veux conclut-il avec une esquisse de sourire. Bon courage l’Arpenteur.

     

    Il me tournait le dos. Son départ me promettait la solitude. « Attends ! » jetai-je fiévreusement dans sa direction. Il s’était engagé déjà dans l’escalier. A mon appel il s’arrêta et se retourna de trois-quarts. Je ne distinguais plus les traits de son visage dans l’obscurité. Il ne me restait qu’à peser dans mon cœur serré la masse rassurante de son torse et caresser le regret de ses intonations chantantes et chaleureuses. J’avais peur du silence qui m’attendait. Je savais que j’aurais peur en son absence.

     

    -  Qu’est-ce qu’il y a dehors, lui redemandai-je avec effroi. Est-ce que je peux venir avec vous ?

     

    - Tu ne peux aller nulle part avec moi.

     

    Sa douceur me terrifiait. J’aurais préféré qu’il se mette à crier pour m’empêcher de sortir. Mais il ne bougea pas d’un cil même lorsque j’eus franchi le seuil et descendu d’une marche l’escalier qui s’enfonçait dans le noir. « Tu ne peux aller nulle part avec moi » se borna-t-il à répéter complètement immobile en dessous de moi. J’avançai quand même pour le rejoindre. Il m’attendait. Dans l’ombre j’eus le pressentiment qu’il étirait le bras pour me soutenir ou m’attraper. Je tendis la main vers lui pour me guider au milieu des ténèbres. En tâtonnant je cherchai à toucher sa main, son vêtement, quelque chose de lui que je ne parvins pas à trouver. « Où êtes-vous ! lui criai-je entre frayeur et colère. Parlez-moi, guidez-moi avec votre voix ! » Je descendis encore quelques marches en me tenant au mur. Un souffle froid remontait des étages inférieurs avec un silence de mort. « Pierre ! » l’appelai-je fou d’angoisse. Il ne répondit pas. Je brassais de l’air vide. Il n’était plus là !

     

    Alors arpente martelait sa voix dans ma tête toute froide. Ah mon Dieu mon Dieu ! me surpris-je à me lamenter en remontant les marches, une main contre le mur et l’autre sur la rampe. J’avais le vertige comme, aux jours de grand vent, sur l’esplanade au-dessus de la ville.

     

    L’esplanade ! Le choc faillit me faire passer par-dessus bord. « Pierre ! l’appelai-je aux prises avec la plus affolante névrose qu’on puisse imaginer, je me rappelle maintenant ! Pierre, je voulais vivre ici, je me souviens de l’esplanade et d’une terrasse rouge avec des balustres bleus, c’est là que je voulais vivre, est-ce que c’est là que je suis ? J’ai réalisé mon rêve ? Dites !? C’est la réalité ? »

     

    - Pierre !

     

    Mais ne rivalisaient que ténèbres, vide et silence. En trébuchant de faiblesse je me hissai péniblement jusqu’à mon étage et me traînai vers ma porte ouverte. A l’intérieur de la minuscule pièce mansardée je m’affaissai tout hébété par la trahison du seul être qui ait réussi à me suivre ou me précéder jusqu’ici. Je m’y roulai sur le dos pour voir les choses en face. Et l’œil de verre était là. Un écran noir. Un miroir sans moi dedans.

     

              

                  [A suivre]

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