• Acquittee-Alexandra-Lange.gifMon impression : sans plus. Voire : un certain malaise.

    C'est le récit honnête d'une femme battue qui tue son mari lors d'une scène violente. Je ne suis pas à sa place, ne l'ai jamais été, je pense ne jamais l'être un jour : je n'ai pas le droit de la juger. Cependant, la plaidoierie que représente son livre n'a réussi ni à m'émouvoir ni à me convaincre du bien-fondé de son geste tragique. A mon sens elle aurait pu prendre les moyens de fuir ce mari violent ne serait-ce que pour mettre à l'abri ses quatre enfants. Ne l'écrit-elle pas elle-même, page 250 :

    Mais voilà, je ne peux plus revenir en arrière. J'aurais mieux fait, et depuis longtemps, de les prendre sur mon dos et de les emporter loin de notre enfer. Pourquoi n'en ai-je pas eu la force ? Pourquoi n'ai-je pas eu le courage de la survie ? Pourquoi ne l'ai-je pas fait "rien que pour eux " ?

    Elle se plaint, à plusieurs reprises, de ce que personne ne l'ait aidée. Mais pour cela il aurait fallu qu'on sache précisément ce qu'elle endurait. Or, de son propre aveu, elle minimisait les violences et les souffrances. Il lui arrivait, même, de nier les violences. Ainsi, qui pouvait l'aider ? - Et comment l'aider ? - Comment aider une fille, une soeur, une amie battue par son mari ? - En l'accueillant chez soi ? - Au risque qu'il vienne l'y chercher ? - Personnellement je ne pense pas que la famille ou les amis puissent aider une personne enferrée dans une situation aussi dramatique. Je pense qu'on ne peut, qu'il ne faut, compter que sur soi.

    Sa première erreur : à l'âge de 17 ans, s'installer avec un type de 30 ans qui vit dans une caravane, contre l'avis de ses parents. Sa deuxième erreur, non la moindre : l'épouser. De là bien d'autres erreurs, bien d'autres manquements. Des raisonnements plus qu'étranges et surprenants : là où je ne vois qu'une brute épaisse sans discernement, elle voit un calculateur capable d'intellectualiser son propre comportement. Là où elle espère naïvement qu'il peut changer je vois, moi, un homme malade qu'il fallait suivre et soigner, et pour ce faire, fuir et dénoncer aux services sociaux.

    Ce qui me stupéfie le plus dans ce livre, ce n'est pas tant sa soumission, son inertie face aux mauvais traitements infligés non seulement à elle mais encore à ses enfants, que sa façon de l'attaquer sur sa possible homosexualité, un soir où il a déjà battu sa fille aînée, où il est tellement saoul qu'il peut exploser d'une seconde à l'autre, ce qu'elle sait pertinemment. Qu'est-ce qui lui prend ? - Avec son père elle a organisé sa prochaine "évasion" ; dans quelques jours elle sera libérée de cet homme. Et que fait-elle ? - Ce soir-là elle le provoque et elle le tue.

    Elle est acquittée. Son procès très médiatisé est censé donner de l'espoir et de la force aux femmes battues. N'est-ce pas un appel au meurtre ?

    Elle a vécu avec lui 12 ans. Elle a de lui quatre enfants. Soudain, en 2009, elle craque et lui porte un coup fatal. On l'acquitte. Il faudrait que ce meurtre serve d'exemple ?

    Je n'ai ressenti aucune sympathie pour cette femme en dépit de ses épreuves et de son malheur. J'ai senti chez elle une volonté de "laisser faire", comme si l'extérieur, le retour à une vie digne et normale, était plus à craindre que ce qu'elle subissait presque au quotidien. Dix fois, cent fois elle aurait pu partir. La première femme de son mari est partie pieds nus en pleine nuit après quelques années de calvaire ; elle s'en est sortie. Elle, reste. Elle, tue.

    Je reste sceptique et perplexe.

    Oui sans doute il l'aurait tuée comme en titre "Je l'ai tué pour ne pas mourir". Mais fallait-il attendre ces extrémités ? - Ceux que je plains le plus dans l'histoire ce sont les enfants, qui ont grandi dans cette atmosphère étouffante, qui ont pris des coups, qu'on a séparés de leur mère pendant les dix-huit mois où elle est restée en prison, et qui sont les enfants d'une mère qui a tué leur père.

    Je répète : je ne suis pas à sa place, je ne sais pas ce que c'est d'être sous la coupe d'un monstre. Je ne pourrais pas, je crois, vivre sous la coupe d'un monstre. Je ne pourrais pas vivre une vie pareille pour, douze ans plus tard, commettre un meurtre.

    Je sais que des femmes battues meurent tous les jours sous les coups de leur compagnon. Je veux bien reconnaître qu'une fois sous l'emprise d'un homme violent, on ne puisse plus s'en libérer. Mais pourquoi attendre que le piège se referme ?

    Le récit d'Alexandra Lange ne répond à aucune de mes questions. Je pense que chez certaines victimes, il y a une part de consentement, du moins de passivité, qui fait le jeu des tortionnaires, et que le meurtre n'est en aucun cas l'issue de secours.


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  • plaques-funeraires2.jpg

    paulvalery↑ Cimetière marin, Sète, 25 août 2013

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    Fermé, sacré, plein d'un feu sans matière,

    Fragment terrestre offert à la lumière,
    Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
    Composé d'or, de pierre et d'arbres sombres,
    Où tant de marbre est tremblant sur tant d'ombres;
    La mer fidèle y dort sur mes tombeaux !

    Extrait du cimetière marin, Paul Valéry


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  • françois fabié Je n'ai pas trop l'habitude, sur ce blog, de publier la poésie "des autres". La littérature étrangère et française regorge de tant d'auteurs et de tant d'oeuvres poétiques ... Pour avoir lu ce poème chez quelqu'un, aujourd'hui, je fais exception à la règle. Il s'agit du poème "Savoir vieillir" écrit par François Fabié, extrait de son recueil "Ronces et lierres". François Fabié, poète régionaliste* français, est né le 3 novembre 1846 au Moulin de Roupeyrac à Durenque dans l'Aveyron ; il est mort le 18 juillet 1928 à La Valette-du-Var dans le Var.

    * En littérature, le régionalisme désigne le regard particulier porté par un auteur sur les paysages, les moeurs, les habitudes d'une région.
    Exemples d'écrivains régionalistes : George Sand (1804-1876), Frédéric Mistral (1830-1914), Henri Pourrat (1887-1959).

     

    .............................

     

    Vieillir, se l'avouer à soi-même et le dire,
    Tout haut, non pas pour voir protester les amis,
    Mais pour y conformer ses goûts et s'interdire
    Ce que la veille encore on se croyait permis.

    Avec sincérité, dès que l'aube se lève,
    Se bien persuader qu'on est plus vieux d'un jour.
    À chaque cheveu blanc se séparer d'un rêve
    Et lui dire tout bas un adieu sans retour.

    Aux appétits grossiers, imposer d'âpres jeûnes,
    Et nourrir son esprit d'un solide savoir ;
    Devenir bon, devenir doux, aimer les jeunes
    Comme on aima les fleurs, comme on aima l'espoir.

    Se résigner à vivre un peu sur le rivage,
    Tandis qu'ils vogueront sur les flots hasardeux,
    Craindre d'être importun, sans devenir sauvage,
    Se laisser ignorer tout en restant près d'eux.

    Vaquer sans bruit aux soins que tout départ réclame,
    Prier et faire un peu de bien autour de soi,
    Sans négliger son corps, parer surtout son âme,
    Chauffant l'un aux tisons, l'autre à l'antique foi,

    Puis un jour s'en aller, sans trop causer d'alarmes,
    Discrètement mourir, un peu comme on s'endort,
    Pour que les tout petits ne versent pas de larmes
    Et qu'ils ne sachent pas ce que c'est que la mort.

     

    Il existe une autre variante pour la fin de ce poème :

     

    Sans négliger son corps, parer surtout son âme,
    Chauffant l'un aux tisons, l'autre à l'antique foi,

    Puis un beau soir, discrètement souffler la flamme
    De sa lampe, et mourir parce que c’est la loi.


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