• Ma plus belle fête de la musique, ce fut en 2005 avec toi. Nous étions à Lyon. Toi, musicien, tu préférais entre tous les groupes de jazz et moi qui n'aime pas le jazz, qui ne ressens rien quand j'en entends, j'ai appris à l'écouter, presque à le comprendre. Nous étions en terrasse ou debout dans la foule. Tu étais heureux, nous étions heureux, parce qu'il faisait beau, parce que c'était la fête, parce que tu adorais Lyon, et que nous étions deux.

    En 2011 j'ai tenté une sortie ... je n'ai pas tenu bien longtemps sans toi. La douleur de t'avoir perdu l'année précédente était par trop violente. Je n'ai pas pu rester. Les deux photos que j'avais prises ce soir-là du 21 juin 2011 sont restées coincées dans l'appareil, je n'ai jamais pu les voir.

    Hier soir, malgré la fatigue d'une semaine de travail plus ou moins caniculaire, et bien que j'aie affirmé le contraire à quelques collègues croisées dans la rue, ne voilà-t-il pas que sur le coup de 21 heures je me prenais d'une furieuse envie de descendre entendre et voir de plus près les concerts donnés dans le village.

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    Devant chez moi, un groupe de jazz. C'est là que tu aurais voulu être. Nous nous serions installés en terrasse et nous aurions oublié de parler. Mais cette densité de vie qui se concentrait dans tes yeux bleu-gris casse tous les silences, même le silence effroyable de la mort. Hier soir, tu n'étais pas avec moi, mais tu fais partie de moi, et où que j'aille tu me tiens compagnie, et tout ce que je vois tu le verras par mes yeux jusqu'à mon dernier souffle. Je t'aime tendrement pour toujours.

    A l'autre bout de la rue, un groupe on ne peut plus tonique avec des interprétations plus que rythmées de tubes qui ont fait leur temps mais qu'on prend plaisir à réécouter. Le batteur est déchaîné. Les petits enfants qui représentent les trois-quarts du public le sont aussi. De jeunes mamans virevoltent en robe légère avec leurs petits. Je reste dans mon coin, le coeur serré. Tu me manques. Tu me manques depuis notre séparation en 2006 et ta mort épouvantable fin novembre 2010. Ta mort que j'ai apprise sur Internet début décembre de la même année. Mon cher ami, si fou de vivre, écoute, écoute la musique.

     

     

     

    "You are the best. You are the worst. You are average. Your love is a part of you. You try to give it away because you cannot bear its radiance, but you cannot separate it from yourself. To understand your fellow humans, you must understand why you give them your love. You must realize that hate is but a crime-ridden subdivision of love. You must reclaim what you never lost. You must take leave of your sanity, and yet be fully responsible for your actions." -

    Gnarls Barkley, in a letter to the legendary rock critic Lester Bangs

     

    DSCI0002-1Je ne puis en écouter davantage, chaque note de musique, chaque vocalise me poignarde en plein coeur. Je remonte chez moi, plus riche de quatre photos mais surtout du souvenir ravivé de ton visage fatigué que j'aimais tant, que j'aimais, je crois, par-dessus tout. Je me couche sous le velux ouvert en te faisant la promesse de te retrouver un jour, de quelque façon que ce soit. Je crois en ces choses-là. Je veux bien croire que tu étais si fort et si décalé, que tu ne peux pas mourir complètement. L'énergie féroce que tu dégageais à chaque instant de ta vie est là quelque part dans l'air que je respire et ne tardera plus à se rematérialiser. J'attends. Je t'attends. Et si tu ne peux pas revenir c'est à toi de m'attendre. Un jour nous serons de nouveau ensemble.

    Dans la première torpeur de l'endormissement, alors, me parvient de la rue quelque chose de magique, une voix que je ne pourrais décrire tant elle me bouleverse, et les rythmes bien particuliers d'un groupe latino. C'est si beau que je pense me rhabiller et redescendre. Je n'en ferai rien, parce que cette musique-là fait partie de mes songes et de ma solitude, et que je ne peux la partager qu'avec ta mémoire. A partir de 22 heures, le volume des haut-parleurs est moins fort. La chaleur du jour le plus long se rafraîchit doucement. Jusqu'à ce que je n'entende plus rien, qu'en rêve, cette voix qui pleure, et qui me remplit du plus grand des bonheurs.


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  • DSCI0003-1On se jette sur moi par amour amitié. Mais tout ce temps que toi et moi nous voulions passer ensemble et que la mort nous a pris je ne veux pas, je ne peux pas le donner à quelqu'un d'autre. Notre histoire me retient en arrière. Je n'ai pas la force, encore moins le désir, d'en commencer une nouvelle. J'ai besoin de penser à toi, de me souvenir de toi, besoin de te regretter. Tu étais tellement différent.
    Il ne reste, sur nous deux, que moi. Depuis ta mort une partie de moi est morte. Il y a quelque chose en moi que je ne peux pas vivre sans toi. Mais regarde par mes yeux, il fait soleil sur Saint-Jean.
    Quand je passe devant le cimetière "Dors bien mon ami" te dis-je en mon for intérieur. Toi qui ne dormais plus depuis des années, enfin, repose-toi...
    Moi aussi, vois-tu, j'ai besoin de repos. La vie nous entraîne si vite à tout remplacer. Ne dit-on pas que personne n'est irremplaçable. Comment cela est-il possible. Puisque chacun est unique. Moi je ne peux pas te remplacer. Je ne vois pas qui pourrait te succéder. On se jette sur moi par amour amitié. Mais ta place reste à toi, comme au roi sans héritier.

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  • DSCI0015-1

    Pour faire suite à l'article Ephata ci-dessous : je me rappelle qu'à la mort de mon ami en novembre de l'année dernière me portait une inspiration mystique sans précédent. Je sortais avant le lever du soleil, par des températures glaciales, capter des lumières rares et des émanations rougeâtres presque fantasmagoriques. A l'intérieur de l'église je n'éprouvais que révolte et ressentiment mais quand j'ai pris en photo la Vierge à l'Enfant (photo ci-dessus) j'ai ressenti une extraordinaire paix intérieure. C'est comme si j'avais communié avec l'Esprit saint qui nous promet l'éternité. Je n'avais plus peur de la mort, et je sentais mon ami décédé tout près de moi, dans la lumière et l'air invisible.

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