• Amor, 1ère partie Chap. I (suite 2)

    - Est-ce que je suis… prisonnier ? demandai-je soudain très enroué.

     

    Il s’écarta tout aussitôt de la porte pour m’en céder l’accès. « Non répondit-il d’un air passablement surpris. Je t’en prie, passe le seuil si tel est ton désir. »

     

    Mais je me méfiais de la facilité déconcertante avec laquelle il me libérait le passage. « Qu’est-ce qu’il y a dehors ? » demandai-je avec une inquiétude rude. Il se retourna vers le palier sombre et l’escalier qui descendait dans le noir. A l’étage on n’entendait rien derrière les autres portes. « C’est la nuit dit-il doucement sans me regarder. Tu es fatigué. Dors un peu, repose-toi. Tu y verras plus clair demain matin. »

     

    - Est-ce que vous reviendrez demain matin ?

     

    - Je ne serai jamais très loin l’Arpenteur. Il te suffira de vouloir me rencontrer pour que j’arrive.

     

    - Pourquoi est-ce que vous m’appelez l’Arpenteur ? J’aurais même perdu mon nom dans l’histoire ? Il en reste plus au chien qu’on sort du chenil sans sa gamelle et son os ! A lui il lui reste son nom !

     

    « Et comment veux-tu donc t’appeler » me dit avec sévérité cet homme qui s’appelait Pierre et qui gardait sur lui, dans les profondes poches de son long manteau brun, d’indénombrables trousseaux de clés. De grosses clés noires écaillées par la rouille il m’en avait donné un aperçu en m’ouvrant la porte de la mansarde. Et ça ferraillait là-bas dedans au moindre de ses gestes, au moindre de ses pas, comme la funeste menace d’une captivité sans issue. « Tu te revendiques terrien, tu ne veux pas habiter au ciel. »

     

    - Je suis ! terrien, lui criai-je âprement.

     

    - Alors arpente me dit-il d’un ton dur, et tais-toi. Quand tu auras fait dix fois le tour de ce qui te reste, c’est-à-dire rien, compte là-dessus, tu reviendras à de meilleurs sentiments.

     

    - Des menaces maintenant ? l’interrompis-je en ricanant. Si je veux je sors d’ici tu l’as dit toi-même.

     

    « Tu as de la chance que je sois fatigué ce soir, ajoutai-je dans un accès de rage, les nerfs me lâchaient face à ce geôlier qui me jouait, je n'en croyais pas mes oreilles et mes yeux, son numéro de charme, sans ça je serais déjà parti. Mais tu verras demain si j’arpente encore ta piaule de trois mètres carrés, tu verras si je me couche pour mater le ciel à longueur de temps. Tu crois que c’est une vie de rester à ne rien faire ? Je ne veux pas de ton salut ! Je veux retourner d’où je viens !

     

    Il ne bronchait pas. Ses yeux promenaient lentement sur moi des regards caressants. Je l’aurais tué.

     

    - Dis quelque chose ! lui crachai-je au visage.

     

    - Non dit-il sans reculer. Je t’ai dit tout ce que j’avais à dire. Là-haut, dit-il en tendant vaguement la main vers le carreau blafard, tu peux loger toute ta famille, tu peux mettre toutes tes affaires, engranger tes souvenirs et te bâtir un avenir.

     

    « Mais ici-bas dit-il en tapant du talon par terre et en me fichant en travers de la figure un de ces regards par en-dessous dont il avait le secret, tu ne peux rien faire à part te replier sur toi-même et t’étioler comme une plante privée de lumière. Renonce à tes attaches terrestres.

     

    - Jamais, articulai-je en le regardant droit dans tes yeux.

     

    - Eh bien marche et tourne en rond si c'est ce que tu veux conclut-il avec une esquisse de sourire. Bon courage l’Arpenteur.

     

     

    [A suivre]

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 26 Septembre 2010 à 19:58
    Anne-Marie Lejeune

    Pierre ? les clefs du Paradis sont-elles si rouillées ?  à moins que ce ne soit celles du purgatoire, dont Pierre est supposé être aussi le gardien ! Ce llieu est aussi celui où l'on purge sa peine avant d'accéder au Paradis justement, lorsque l'on n'a pas totalement démérité du ciel. un lieu où, effectivment, il est préférable de renoncer définitivement aux contingences terrestres.

    Mais cet escalier qui descend dans le noir (oui, je sais, c'est la nuit !) pourrait aussi mener à l'enfer....

    Arpente, l'Arpenteur, arpente, toi qui ne sait pas vraiment où tu es, ni pourquoi tu y es !

    Et moi, pauvre terrienne impatiente, je vais ronger mon frein en attendant la suite !

    Bisous doux

    DGAR

    2
    Dimanche 26 Septembre 2010 à 20:33
    Thaddée Sylvant

    Motus et bouche cousue répondra l'écrivain. Suspense oblige.

    Merci d'avoir lu et commenté ma Chouette Mistic. J'espère que la suite ne te décevra pas... parce qu'on n'en est vraiment qu'au tout début !

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