• Fiabe italiane / Contes italiens [Italo Calvino]

    "Le Masque Micillin / l'emporte toujours au plus fin, /
    et son oeil est si tordu /  qu'on en meurt, n'en faut pas plus."

    Masque peint du XVIII ° siècle employé par les sorcières pour le dédoublement de la personnalité. Musée ethnographique, Palerme.

     

    Italo Calvino, Fiabe italianneItalo Calvino, Contes italiens

                                       COLLECTION FOLIO BILINGUE
                                     Traduit de l'italien par Nino Frank

     

    *****

     

    Je n'ai aucun talent de critique littéraire ; j'ai beaucoup de mal à raconter les livres que j'ai lus. Mais celui-ci je l'ai dévoré d'une traite (en deux jours pour tout dire ; injuste pour Calvino qui a dû mettre des mois à l'écrire...) et je voulais quand même en parler un peu.

    Pour constituer ce recueil de contes issus du folklore national, Calvino a plongé dans la mémoire des régions italiennes : Ligurie (L'homme tout vert d'algues) ; Montferrat (Les trois châteaux) ; Trentin (La bague magique) ; Istrie (Beau-Front) ; Ligurie (Corps-et-pas-d'âme) ; Piémont (Le nez d'argent) ; Turin (Le Prince canari) ; Piémont (La barbe du Comte) ; Sicile (Un navire chargé de...) ; Sicile (Colas Poisson) ; Sicile (Les noces d'une Reine et d'un brigand).

    Moi, ce qui a frappé mon attention tout de suite, c'est la grande liberté que prend Calvino avec les "accords de temps". Il passe allègrement du présent à l'imparfait au sein d'une même phrase. Un "vice" de traduction ? - Je ne pense pas, pour avoir jeté un coup d'oeil sur la version originale (italienne) placée vis-à-vis de la traduction de Nino Frank. Je ne pratique pas l'italien mais il n'est pas sorcier d'y déceler les mêmes "infractions" grammaticales. Heureuses infractions, qui donnent au récit ce ton "parler" très nonchalant et déluré.

    "Un certain garçon s'était mis dans la tête d'aller faire fortune. Il prend congé de sa mère, puis s'en va à la ville en quête de travail. Dans cette ville, il y avait un roi, il possédait cent brebis et personne ne voulait s'employer chez lui en qualité de berger. Notre garçon y va. Le Roi lui dit : "Écoute bien, voici les cent brebis". (Les trois châteaux)

    Cette naïveté joviale se retrouve dans tous les contes, truffés de rois, de princesses enlevées et captives, de châteaux qui se déplacent par magie, de lions, de chiens, de chats, de fourmis, de Masques (sorcières). Tout est relaté sur un ton si pépère qu'on se prend à sourire :

    "Au château, le Magicien ne comprend rien aux vertiges qui lui viennent... Au château, le Magicien se trouve dans la nécessité de s'aliter... Au château, le Magicien a une fièvre de cheval, il se ratatine sous ses couvertures." (Corps-et-pas-d'âme)

    Nunuche un tantinet, pour notre plus grand plaisir. Et puis, de vrais beaux passages, presque des tableaux rouges et noirs :

    "Dès qu'il était venu au monde, sa mère, le voyant si menu, pour le garder en vie et lui donner un peu de robustesse, l'avait baigné dans le vin chaud. Pour que le vin chauffe, son père avait mis dedans un fer à cheval rouge comme le feu. C'est ainsi que Masin, au travers de sa peau, avait attrapé la ruse qui est dans le vin et l'endurance qui est dans le fer. Après cette baignade, et pour lui donner quelque fraîcheur, la mère l'avait bercé dans une coquille de châtaigne encore toute verte, et donc bien amère, qui donne de la jugeote." (La barbe du Comte)

     

    Maintenant que ce livre est achevé, je peux dire qu'il ne s'est pas agi d'une hallucination, ni d'un accident de travail, mais plutôt d'une confirmation de quelque chose que je savais déjà au départ [...] et qui m'a poussé à faire ce voyage à travers les contes de fée : les contes sont vrais." [Italo Calvino]

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 11 Août 2011 à 18:45
    Thaddée Sylvant

    Coucou Midolu !

    Je n'avais jamais lu Calvino, c'est une grande première et j'ai vraiment passé de bons moments : ça se boit comme du petit lait (mais il semble que ses Contes soient un peu différents du reste de sa littérature)

    Pour cette question de traduction, je ne me suis jamais autant rendu compte de l'importance de la personnalité du traducteur qu'en lisant des poèmes grecs traduits par Marguerite Yourcenar puis par un homme (dont je ne me souviens malheureusement pas du nom) : je croyais avoir affaire à des poèmes tout à fait différents tant les traductions étaient éloignées l'une de l'autre et franchement, je préférais celles de l'homme. Mais il avait pris des libertés avec les textes originaux. Il avait pour ainsi dire "réécrit" les poèmes grecs. Marguerite Yourcenar était restée fidèle au vocabulaire, au ton de ces poèmes.

    Merci pour tes commentaires qui me donnent toujours l'occasion de fouiller dans mes souvenirs à la recherche de ces petites choses que j'ai plaisir à évoquer.

    Bonne soirée à toi aussi Midolu !

    2
    Jeudi 11 Août 2011 à 20:13
    Thaddée Sylvant

    Ah non, au contraire, c'est intéressant ces questions de traduction. Je vais aller voir tous ces liens. Merci à toi de tes recherches Midolu .

    3
    Jeudi 11 Août 2011 à 21:29
    Thaddée

    C'est fait, j'ai tout lu. Ouf, c'est génial, passionnant, ça donne à réfléchir, et ça confirme ce que je pensais avant d'avoir lu ces articles : il faut s'écarter de la traduction littérale ou mot à mot, vu que tous les mots n'existent pas dans toutes les langues, ou qu'ils n'expriment pas les mêmes choses d'une langue à l'autre. Bref. Un grand merci pour tous ces liens Midolu. Le 3ème m'a permis de découvrir l'existence d'un roman bouleversant "Entre terre et ciel" que je vais essayer de me procurer et le 4ème est carrément captivant. Tout ça me galvanise !

    4
    Vendredi 12 Août 2011 à 18:54
    Thaddée Sylvant

    Tu as vu je les ai mis dans mes liens, grâce à toi !

    5
    Vendredi 12 Août 2011 à 18:56
    Thaddée Sylvant

    Et voilà c'est ce que je disais à l'instant  c'est que je ne veux pas le perdre de vue ! Bonne soirée Midolu et bon début de week-end !

    6
    Vendredi 12 Août 2011 à 19:00
    Thaddée Sylvant

    Non je ne connais pas cet auteur. Et pour le traumatisme lié aux contes, ça peut se comprendre : c'est plein d'ogres et de sorcières. Moi j'adore par contre, déjà dans mon enfance j'aimais bien ce qui me faisait peur. Bisou ma Bigornette, merci pur tes visites, ça me fait super plaisir.

    7
    Samedi 13 Août 2011 à 14:33
    Thaddée

    Maintenant que j'ai découvert ses contes je vais lire d'autres choses de lui. Merci pour ton passage ma Bigornette, bonne journée et à très bientôt chez toi !

    8
    Samedi 13 Août 2011 à 14:38
    Thaddée

    Oups. Je raconte vraiment n'importe quoi. Tu voulais parler de l'autre auteur, Arto Paa... (c'est vrai qu'il a un nom difficile). Oui je vais m'intéresser à lui sur ton conseil :-) Merci de m'en avoir parlé ma Bigornette, re-gros bisou et à très vite sur ton blog.

    9
    Vendredi 19 Août 2011 à 10:49
    orfeee45

    Les italiens utilisent cette façon de relever le récit également à l'oral. Ce relief est une façon de dire que si les règle s"aplatissent",  leur combinaison, leur appropriation (même si elle est collective), est une façon de dire: je suis libre, je renaîs (renaisaance)... La manière dont tu te rebelles et tu te livres dans tes derniers articles est renaissance...

    10
    Lundi 7 Novembre 2011 à 19:26
    Thaddée Sylvant

    Bonsoir Romano, merci d'avoir aussi longuement commenté ce livre. Je ne savais pas tout ce que vous dites. Bonne soirée à vous.

    11
    midolu
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36
    midolu

    De cet écrivain, je n'ai lu que " Le sentier des nids d'araignées ". C'était il y a longtemps et je ne m'en souviens pas ...

    Dernièrement, on m'a conseillé " Le Baron Perché ".

    Les fables me plaisent, en général, et l'écriture de celles-ci (avec les talents conjugués de l'auteur et du traducteur) paraît vive, alerte, et me pousserait à mieux faire connaissance avec " Fiabe italiane ".

    Thaddée, tu soulèves parallèlement une question qui a un grand intérêt quand on considère la littérature étrangère : la position du traducteur, son travail, son statut, et sa reconnaissance.

    Merci et à bientôt. Bonne soirée, Thaddée. 

    12
    midolu
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36
    midolu

    Bonsoir Thaddée !

    Un court article de présentation et un rapport sur " la condition du traducteur ", intéressants et sur certains aspects édifiants, comme la rétrocession de différents chapitres par un traducteur " vedette " à d'autres traducteurs !

    http://www.livres-a-lire.net/article-pierre-assouline-plaide-pour-que-le-traducteur-obtienne-un-statut-de-co-auteur-78316582.html

    http://www.centrenationaldulivre.fr/?Publication-du-rapport-de-Pierre

     

    Une intervention d'Éric Boury, traducteur et professeur de philosophie :

    http://www.telerama.fr/livre/transformer-sans-deformer-selon-eric-boury-traducteur-de-l-islandais,62880.php

    http://www.evene.fr/livres/actualite/traduction-traducteur-interprete-langue-version-412.php

     

    Je stoppe, car je me suis écartée du chemin des Contes italiens ! 

    En espérant que je n'ai pas trop empiété sur l'espace de cette page ...

    Merci ! 

    13
    midolu
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36
    midolu

    J'ai noté aussi " Entre terre et ciel " !  

    Eric Boury a un blog, malheureusement il y a peu d'interventions ... 

    Passe une agréable fin de semaine, Thaddée.

    14
    midolu
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36
    midolu

    Thaddée, je viens de m'apercevoir que le blog d'Éric Boury est déjà dans vos liens ! 

    15
    Bigornette
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36

    Pas fan de contes la Bigornette... j'ai été élevée au Petit Poucet et je ne m'en suis jamais remise... Par contre dans ce style naïf, j'aime un auteur finlandais et vais repasser pour te donner le nom car j'ai des problèmes avec les "o" et les "a"... J'ai chercher Gaël dans la religion mais je n'ai pas trouvé... alors je m'interroge... Bisous mon amie...je reviens

    16
    Bigornette
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36

    Coucou... me revoilou après passage chez M. google... mon écrivain aimé est Arto Paasilinna et il a écrit dans un genre "fables longues"... Il nous emmène avec lui... connais-tu ?...

    Voici quelques -un de ces titres....Le Lièvre de Vatanen, Un homme heureux,  La douce empoisonneuse

    Quant à savoir pourquoi je n'aime pas trop les contes, je suppose que c'est vraiment lié à l'enfance...ça me fichait la trouille... Etonnant non ?... bisous mon amie...

     

     

    17
    Bigornette
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36

    oups ! il faudrait que tu en lises au moins un c'est un auteur assez reconnu malgré son nom difficile à retenir, il a même été adapté au cinéma pour "le lièvre de Vatanen" le plus célèbre de ses ouvrages, je ne sais pas si il y a d'autres titres adaptés.... Moi j'ai commencé par  "un homme heureux" et la "Douce empoisonneuse" c'est les deux premiers que j'ai lus et ça m'a donné envie d'en lire d'autres, mais à la bibliothèque j'avais tant de choix que je n'arrivais pas à fournir... Il a un style qui n'appartient qu'à lui... et il nous emporte avec délice dans ses histoires ou le mal et le bien sont bien répertoriés, et on sourit en le lisant... je suis encore surprise d'avoir aimé car à la base , ce n'est pas du tout ma tasse de thé... Bisous mon amie... bon week-end !

    18
    midolu
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36
    midolu

    Bonjour Thaddée ...

    J'ai pu emprunter " Entre ciel et terre " à la médiathèque près de chez moi, mais j'ai encore un gros livre en cours (et à restituer en priorité).

    Si tu le souhaites, je pourrais livrer mes impressions sur cet écrit.

    J'espère que tu vas bien, et que tu reviendras. 

    19
    Romano
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36
    Romano

    Bonjour.

    Cette version bilingue fait environ 200 pages. Il n'y a donc que 100 pages de contes en langue originale. La semaine dernière j'ai eu entre les mains les 2 premiers tomes des versions françaises. Ils faisaient dans les 350 pages chacun. Je crois qu'il y a d'autres tomes. La version bilingue n'est donc probablement constitué que d'une (petite) sélection des contes italiens de Italo Calvino.

    Ma médiathèque vend les 2 premiers tomes : 1 € chacun. J'ai lu un conte et je l'ai beaucoup aimé (une histoire de prince qui cache dans une oie). J'hésite à les acheter. Ça prend de la place et comme je suis en train d'apprendre l'italien, je préfèrerais les lire dans la langue de Dante. En VO, sans traduction je risque d'avoir du mal. Je ne dois pas avoir plus de 2000 mots de vocabulaire.

    Magari ci fosse un'edizione bilingue italiano-francese con tutte le fiabe...

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