• Babel   Bien sûr, t’es schizophrène.

          Mais tu n’es pas le seul

          Animal à deux têtes.

       Vois, le chien des Enfers

       Il parle au moins trois langues !

          Et tant elles se mélangent

          Qu’on se croit à Babel.

                              (c) 2010 Crisis, TS


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  • « Je croyais que nous étions seuls vous et moi » lui fis-je remarquer en me raidissant. « Nous l’étions à l’instant, dit-il avec un certain détachement. La roue tourne. »

     

    - Et eux, ils vont et viennent comme ils veulent ?

     

    - Mais toi aussi, que ce soit bien entendu, tu peux aller et venir à ta guise.

     

    En étouffant un gémissement je le poussai pour dégager la porte et sortir devant chez moi. Personne sur le palier. L’escalier était désert. Plus aucun bruit ne montait des étages inférieurs. Dans l’obscurité des murs tendus de tissu, du plancher revêtu de moquette, on ne percevait que les deux temps de nos deux respirations. La mienne tournait court, j’avais trop de peine à comprendre ce qui se passait. La sienne, profonde et mesurée, rendait la mienne encore plus follement nerveuse et fébrile.

     

    A tâtons je cherchais un interrupteur. Il devait y avait une minuterie quelque part. Il devait bien y avoir l’électricité ! « Pour quoi faire on se le demande grondai-je au bout du rouleau, bénie soit la lumière du jour. » On était au dix-neuvième siècle et un préposé, sacoche en bandoulière et perche à crochet sur l'épaule, devait se ramener pour moucher, à cette heure, les becs de gaz. Je me pris à rire de cette histoire de fous. Accoudé sur le mur, la tête au creux du bras, je m’en étouffais mais Pierre ne réagissait toujours pas.

     

    - Tu sais quoi, lui dis-je après m’être repris, avec l’accent de la menace, c’est un jeu qui ne m’amuse pas du tout. Alors ta porte de l’espace-temps tu la rouvres et tu me renvoies là d’où je viens, chez moi, au vingt-et-unième siècle. Et tu me rends tout ce qui m’appartient.

     

    - Je ne te dépossède en rien de tout ce qui t’appartient.

     

    - Ah non ?

     

    Je fis volte-face avec une imprévisible violence histoire de le déstabiliser un bon coup mais il restait là figé sur place avec la persistance de l’inerte et la patience infinie d’un objet. « C’est quoi ce cirque !? » lui criai-je à la figure et je lui désignais d’un mouvement circulaire la mansarde et le palier, l’escalier, la maison, la rue supposée dans laquelle elle était construite et la ville où l’on pouvait remonter cette rue si tant qu’elles existent, la ville, et la rue, et la maison !

     

    - Toi tu existes dit-il froidement.

     

    Ce fut les trois derniers mots qu’il proféra du moins ce matin-là. J’en avais tellement ma claque de ses répliques à la con. Celle qu’il reçut, de claque, appliquée de plein fouet sur la joue droite, le cloua sur le mur de fond. Il y resta pour ainsi dire scotché les bras faiblement écartés, les paumes à plat derrière lui, tandis qu’un peu de rougeur empourprait ses minces et souples maxillaires. Et le regard qu’il dardait sur moi n’était ni plus ni moins ardent qu’à l’accoutumée.

     

    - Dégage, commandai-je d’une voix brève.

     

    Il se redressa, remit bon ordre aux lourds drapés de sa robe et traversa la pièce d’un pas assuré. Ma parole… rien ne l’ébranlait ?

     

    - Pierre, le rappelai-je encore plus brièvement alors qu’il s’engageait dans l’escalier.

     

    Mais il tenait bon la rampe et, cette fois, ne s’arrêta pas.

     

     

    [A suivre]

     


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  • stock-vector-elephant-8555701

     

    Depuis qu’elle est au ciel des mouches, la mouche se la coule douce dans un paysage uniformément noir, vert et bleu (évidemment, puisque n'y séjournent  que des mouches noires, vertes, ou bleues).

               Flûte de flûte.

       Je me suis trompé d'histoire.

     

    Sauf qu’un jour en sortant de son atelier de peinturlure (depuis qu’elle est au ciel des mouches la mouche est très active et créative) elle voit des milliards de mouches noires, vertes et bleues sillonner le ciel des mouches en brandissant des milliards de pancartes au bout de leurs petits bras maigres et poilus. ‹Là, ce doit être très grave› pense la mouche. Et vite elle se rend aux nouvelles.

    Bientôt, les explications fusent de partout :

    - On est contre l’ouverture des frontières.

    - Déjà qu’on accepte ces négresses vertes de cantharides qui sont camées jusqu'aux yeux !

    - Maintenant ils veulent nous coller des chats !

    - Ce sont sûrement des chats qui n’ont jamais fait de mal à une mouche, répond la mouche.

    - Ils veulent aussi nous coller des araignées !

    - Mais les araignées, elles peuvent nous faire aucun mal. On est déjà mortes, répond la mouche.

     Mais quand même, des araignées… !

    - Mais les araignées, demande la mouche, elles ont bien leur ciel à elles pas vrai, le ciel des araignées ? Qu'est-ce qu'elles viendraient faire au ciel des mouches ?

    - L’idée c’est de réunir tous les ciels en un seul qu’on appellerait les cieux.

     

                                            (...)←Silence de réflexion

     

    - Ben alors ce serait comme sur terre, conclut la mouche.

    A cette parole sensée tout le monde lâche sa pancarte pour applaudir la mouche.

     

     

    Et pendant ce temps, au ciel des éléphants, les éléphants trompettent énormément : On veut pas de souris chez nous !!!

     

     

     

     

              

     L’atelier : Lecture facile

      

     

     

    Depuis qu’elle est au ciel des mouches, la mouche se la coule douce dans un paysage uniformément noir, vert et bleu (évidemment, puisque n'y séjournent que des mouches noires, vertes, ou bleues).

      

               (Flûte de flûte.

       Je me suis trompé d'histoire.)

     

    Sauf qu’un jour en sortant de son atelier de peinturlure (depuis qu’elle est au ciel des mouches la mouche est très active et créative) elle voit des milliards de mouches noires, vertes et bleues sillonner le ciel des mouches en brandissant des milliards de pancartes au bout de leurs petits bras maigres et poilus. ‹Là, ce doit être très grave› pense la mouche. Et vite elle se rend aux nouvelles.

    Bientôt, les explications fusent de partout :

    - On est contre l’ouverture des frontières.

    - Déjà qu’on accepte ces négresses vertes de cantharides qui sont camées jusqu'aux yeux !

    - Maintenant ils veulent nous coller des chats !

    - Ce sont sûrement des chats qui n’ont jamais fait de mal à une mouche, répond la mouche.

    - Ils veulent aussi nous coller des araignées !

    - Mais les araignées, elles peuvent nous faire aucun mal. On est déjà mortes, répond la mouche.

    Mais quand même, des araignées… !

    - Mais les araignées, demande la mouche, elles ont bien leur ciel à elles pas vrai, le ciel des araignées ? Qu'est-ce qu'elles viendraient faire au ciel des mouches ?

    - L’idée c’est de réunir tous les ciels en un seul qu’on appellerait les cieux.

     

    (...)←Silence de réflexion.

     

    - Ben alors ce serait comme sur terre, conclut la mouche.

    A cette parole sensée tout le monde lâche sa pancarte pour applaudir la mouche.

     

    Et pendant ce temps, au ciel des éléphants, les éléphants trompettent énormément : On veut pas de souris chez nous !!!

     


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