• Primo Levi, Si c'est un homme

    Titre original : Se questo è un uomo

    Traduit de l'italien par Martine Schruoffeneger

    Giulio Einaudi éditeur s.p.a., Turin, 1958 et 1976

    Julliard, pour la traduction française,1987

     

    Si c'est un homme : historique d'un récit "écrit dans la tête" ; le parti-pris de la raison ; Primo Levi : le mystère de sa mort

     

    Je me demande en ce début d'année s'il est bien opportun de me lancer dans la rédaction compliquée d'articles de fond vu qu'à peine ai-je tourné le dos le nombre de visites chute de 19 à 6, preuve en soi que "la réciprocité des saluts sur la toile" a bien plus d'importance et compte beaucoup plus que le contenu à proprement parler du blog. Il me semble que si je me bornais à mettre une petite image piquée sur le Net, mais qu'en contrepartie je prenne la peine de courir dire bonjour de droite et de gauche, je pourrais garantir à mon blog un rang digne de ce nom. Sauf que je n'ai pas du tout envie de piquer une petite image sur le Net. Je sors à peine d'un livre qui me bouleverse jusqu'aux moelles et vous risquez d'en baver : j'ai prévu d'écrire une série d'articles sur le livre et son auteur.

    Que dis-je, un livre.

    Bien plutôt un morceau de vie, de viande crue que j'ai du mal à digérer. Je ne sais même pas par où commencer tant j'ai de choses à dire. Dès les premières lignes du récit voilà que je me demande en me raidissant : "Ceux qui ont lu mon récit Fragments d'une vie brisée , ont-ils aussi lu Si c'est un homme ? " Et s'ils les ont lus tous les deux, n'ont-ils pas été tentés comme moi de faire un rapprochement ? Pourquoi la personne qui m'a prêté ce livre de Levi, et qui a lu Fragments d'une vie brisée , ne m'a-t-elle pas dit qu'ils se ressemblaient un peu ? N'y a-t-il que moi pour voir ce que ces deux récits ont en commun ? Au point qu'on pourrait croire que mes Fragments, je les ai écrits après avoir lu Si c'est un homme . Ce qui n'est pas le cas. Avant d'avoir ce livre entre les mains, je confesse pour ma plus grande honte n'avoir jamais même entendu parler de Primo Levi.


    Mais tandis que j'avance dans la lecture, m'apparaît un certain nombre de différences entre les deux récits (le sien et le mien). J'en trouve confirmation dans l'appendice écrit en 1976 pour l'édition scolaire de Si c'est un homme.


    [...] "lorsque j'ai écrit ce livre, j'ai délibérément recouru au langage sobre et posé du témoin plutôt qu'au pathétique de la victime ou à la véhémence du vengeur : je pensais que mes paroles seraient d'autant plus crédibles qu'elles apparaîtraient plus objectives et dépassionnées ; c'est dans ces conditions seulement qu'un témoin appelé à déposer en justice remplit sa mission, qui est de préparer le terrain aux juges. Et les juges, c'est vous." [Primo Levi]

     

    Une de mes lectrices me reprocha le ton pathétique de mon récit. Je peux lui répondre aujourd'hui : "C'était le cri d'une victime, plus que la déposition d'un témoin". Elle accusa l'esclave des mines d'être passif et résigné. Ce à quoi je peux lui répondre aujourd'hui : "Mais pour se révolter, il faut être fort, et mon esclave ne l'était pas. Le travail à la mine, la faim, les dures conditions de vie, l'affaiblissaient, l'anéantissaient, le déshumanisaient. Il n'avait pas les moyens, non plus que les occasions, de se révolter".

     

    Au dos du livre, j'ai relevé cette phrase qui remet en question toute ma conception de la littérature, et plus précisément la conception de ma propre écriture. On doit ces mots à Angelo Rinaldi qui éprouve un goût certain pour la poésie, les romans noirs américains, la pureté de la langue française, qui se montre volontiers féroce envers les auteurs « à la mode » (Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet, Philippe Sollers, Julia Kristeva, Philippe Djian, Michel Houellebecq, Christine Angot) et qui témoigne de son admiration pour certains écrivains « rares » qu'il a fait redécouvrir à un public plus large (François Augieras, Marguerite Audoux, Olivier Larronde, Fritz Zorn, Elizabeth Taylor, Jean Rhys, Italo Svevo...).


    [...] "Si la littérature n'est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n'est que futilité." [Angelo Rinaldi]

     

    C'est remettre en question tous mes romans futuristes, lesquels dénoncent une humanité régressée dans un monde fini.


    L'édition que j'ai entre les mains affirme sans l'ombre d'une ambiguïté que Primo Levi s'est donné la mort en 1987. Je n'ai pu m'empêcher de bondir. En effet je ne comprends pas, je me refuse à comprendre  qu'un homme ayant eu la force morale de survivre aux camps décide de se suicider quarante ans plus tard. Une autre version de son décès, laisse à penser qu'il serait tombé dans l'escalier de son immeuble. Et que sa mort était donc accidentelle.

    Les livres ont leur destin, écrivait-il. Et l'homme a ses mystères. L'auteur et son livre en moi déclenchent de fortes turbulences, de même qu'en déclenchèrent la lecture de Smara écrit par Michel Vieuchange, et la rédaction plus que douloureuse de mes Fragments.

     

    "Je suis conscient des défauts de structure de ce livre, et j'en demande pardon au lecteur. En fait, celui-ci était déjà écrit, sinon en acte, du moins en intention et en pensée dès l'époque du Lager. Le besoin de raconter aux "autres", avait acquis chez nous, avant comme après notre libération, la violence d'une impulsion immédiate, aussi impérieuse que les autres besoins élémentaires ; c'est pour répondre à un tel besoin que j'ai écrit mon livre ; c'est avant tout en vue d'une libération intérieure. De là son caractère fragmentaire : les chapitres en ont été rédigés non pas selon un déroulement logique, mais par ordre d'urgence. Le travail de liaison, de fusion, selon un plan déterminé, n'est intervenu qu'après." Si c'est un homme  |Primo Levi]

     

     

    "Je puis cependant affimer une chose, c'est que si je n'avais pas vécu l'épisode d'Auschwitz, je n'aurais probablement jamais écrit. Je n'aurais pas eu de motivation, de stimulation à écrire [...] Ce fut l'expérience du Lager qui m'obligea à écrire : je n'ai pas eu à combattre la paresse, les problèmes de style me semblaient ridicules, j'ai trouvé miraculeusement le temps d'écrire sans avoir à empiéter ne fût-ce que d'une heure sur mon travail quotidien : ce livre - c'était l'impression que j'avais - était déjà tout prêt dans ma tête et ne demandait qu'à sortir et à prendre place sur le papier." Appendice 1976  |Primo Levi]

     

     

    Traduction de l'article en anglais par Flavius

    1/2 heure de manip' et d'attente pour obtenir une traduction... en français

     



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  • heureuse année 2012

    1er Janvier 2011

    "Bonne et heureuse année"

    (Calendrier de l'Avent)

     

    A vous tous en cette matinée du 1er Janvier je vous souhaite très sincèrement une bonne et heureuse année 2012. Qui, du point de vue social, s'annonce difficile. Je viens de lire sur le portail d'Orange tout ce qui change en ce début d'année et ça ne fait pas rire. Bien sûr on ne s'en rend pas trop compte encore. Les grandes surfaces débordent de bonnes choses à manger, les sapins, les vitrines et les monuments sont illuminés... mais je n'ai pas pu m'empêcher de me dire, à plusieurs reprises, que c'était peut-être bien la dernière année où nous pouvions fêter Noël et le Jour de l'An. C'est donc dans cette situation grave à bien des égards que je vous adresse tous mes voeux, à vous et à vos proches. Je vous souhaite une bonne santé, et j'espère que vous ne manquerez de rien. Travail, argent, logement... et les moyens de payer l'abonnement Internet qui nous permet de nous connaître et de communiquer. Et, comme une cerise sur le gâteau, de jolis petits moments de bonheur auprès de votre famille, de vos amis, de vos animaux, ou même seuls. Parce que même seul, oui, on peut être heureux à condition de ne pas être isolé. A tous ceux qui passent par ici, connus ou inconnus, commentateurs ou silencieux, du fond du coeur je souhaite une bonne année 2012.

     

    ... Mais toujours l'écriture, au point que je n'en dors plus la nuit. A peine avais-je envoyé mon texte au format PDF à l'éditeur qui fixait la date limite d'expédition au 31-12-11 que je pensais à toutes ces petites phrases absentes du manuscrit, lesquelles auraient sans nul doute renforcé le ton du récit. "Mais il n'était même plus un garde, il n'avait plus de grade. On l'accusait de gâcher la marchandise. Etc."  Et dans l'élan j'essaie de me placer face à mes responsabilités : n'est-il pas temps, pour Thaddée Sylvant, d'assumer pleinement sa part la plus sombre, au risque d'en choquer plus d'un ? - En écumant le blog fascinant à plus d'un titre de Michel Giliberti, dont les peintures et les photos me subjuguent littéralement, j'entrevoyais le bénéfice, et le risque ! de se montrer à visage découvert. Mais n'est-ce pas tout l'enjeu d'une oeuvre, de quelque nature qu'elle soit, que de mettre en pleine lumière le côté obscur de son auteur ? - Sinon c'est de la triche. Sinon. Tout mon labeur s'avère être stérile.

     

     

    Je vous souhaite une belle Année 2012

    Je passe ce soir sur vos blogs vous souhaiter la Bonne Année



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