• Le bon vieux temps

    DSCI0004-2Du point de vue des spécialistes (lesquels je ne sais pas, des sociologues sûrement)) toutes les générations se plaignent de leur époque et regrettent le bon vieux temps. Nous, nous soupirons : "De notre temps les jeunes n'étaient pas comme ça, il y avait moins de violence. La vie était bien moins chère. Il y avait moins de pauvres gens dans les rues. Il y avait moins de stress et de pression. Et tous ces attentats..." Nous oublions que nos grands-parents, nos parents, ont connu la guerre et la faim. Nous préférons ignorer qu'avant, l'information ne circulant pas comme aujourd'hui, nous étions moins au courant de ce qui se passait dans le monde. Nos parents, eux, soupirent après les vertes campagnes et les balades à vélo dans les chemins fleuris ; déplorent que les jeunes générations n'aient plus le sens de l'engagement : les valeurs familiales et religieuses se sont perdues. Nos enfants, par des étés à 50° sans une goutte de pluie, regretteront "le bon vieux temps" des étés où il ne faisait que 35°. Les anciens, à Rome, se plaignaient déjà des embouteillages, des mauvaises odeurs et du bruit. Plus globalement, de la société qu'ils avaient sous les yeux. Témoin Pétrone.

    Contemporain de Néron, Caius Petronius Arbiter, dit Pétrone (décédé en 66) a d'abord exercé la fonction de proconsul en Bythinie. Puis, il est nommé consul, attribution plus honorifique que politique à l'époque. Il consacre alors beaucoup de temps à l'organisation des fêtes de l'Empire. En devenant membre reconnu de la cour de Néron, Pétrone s'est aussi forgé quelques inimitiés. Ainsi, Tigelin, préfet du Prétoire, le fait accuser d'avoir participé à une conjuration. Soupçonné de trahison par le tyran, il est contraint de se suicider en se tranchant les veines. Avant de mourir, il trouve pourtant le temps d'écrire le 'Satiricon', roman accusateur des moeurs de l'époque. Pour cette oeuvre, Pétrone est même considéré par certains comme le premier romancier de l'histoire. Ecrivain novateur et précurseur, il constitue aujourd'hui un témoin privilégié de la Rome décadente du Ier siècle. [evene.fr]

    C'est donc le propre de l'homme de se plaindre "des temps modernes" et de regretter "le bon vieux temps" dont il idéalise le nostalgique souvenir.

    Il se trouve qu'hier j'ai décidé de prendre le temps de lire. J'ai même dit : "Je lirai le premier livre qui me tombera sous la main". C'était un peu tricher. Vu qu'il y a un an je me suis mis de côté Amours paysannes d'Adeline Geaudrolet en me promettant de le lire dès que j'aurais un peu de temps devant moi.

    Dès les premières lignes, je tombe en arrêt devant le style enlevé de cette dame de 70 ans qui se souvient... non pas du bon vieux temps, mais de sa vie de travail et de déboires. Une voix déviante qui nomme le refoulé et le meurtri.

     

    Tous les chapitres s'ouvrent sur des citations.

      !Amours paysannes

    "Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles,  plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.' [Marcel Proust]

     

    "Il n'est pire misère qu'un souvenir heureux dans les jours de douleur." [Dante]

     

    "Maman disait souvent qu'on n'est jamais tout à fait malheureux." [Albert Camus]

     

    Ce n'est ici qu'une faible représentation de toutes les riches citations (et chansons) qui émaillent les chapitres. Quant au style d'Adeline ! il faudrait recopier de bout en bout ce diable de livre. Comme il faut bien faire un choix...

     

    "Il est un pays où des rivières charrient dans leurs sables de l'or, des pierres, des souvenirs... des grenats aussi. Il est un pays où le lait coule à flots, où le beurre s'amoncelle, vivante synthèse de l'eau, de l'herbe, de l'air et du vent, des animaux et de l'industrie des hommes.
    De grandes dames veillent sur lui, vigiles millénaires : Mélusine, la fée bâtisseuse, et la Dame de Chambrille, pétrifiée dans sa chair.
    Au pays de Galerne, les mouvements sont lents, la parole profondément enfouie.
    C'est là que, bercée par les vents et la vie, par le bruissement des feuillages, une femme attend...
    Elle attend que tourne le vent. Le vent de galerne, ce "chétif vent qui corne trois jours durant". Ce "mauvais vent qui souffle trois jours consécutifs" et qui amène l'eau, utile souvent, dévastatrice parfois.
    Une vie de galerne, c'est une vie à attendre que le temps change, que le temps revienne au beau, pour une femme, pour cette femme, Adeline. Pour toutes les femmes. Galerne, galère, la vie... "

     

    Mais l'extrait qui me frappe le plus au milieu de ce déluge de proverbes, de truismes, de sujets du bac et d'opinions publiques ! c'est très certainement celui-ci (sans perdre de vue que je n'ai fait que feuilleter...).

    "Quand tu moissonneras ton champ, et que tu auras oublié une gerbe dans le champ, tu ne retourneras point la prendre ; elle sera pour l'étranger, pour l'orphelin et pour la veuve, afin que l'Eternel, ton Dieu, te bénisse dans tout le travail de tes mains. Quand tu secoueras tes oliviers, tu ne cueilleras point ensuite les fruits restés aux branches : ils seront pour l'étranger, pour l'orphelin et pour la veuve. Quand tu vendangeras ta vigne, tu ne cueilleras point ensuite les grappes qui y seront restées : elles seront pour l'étranger, pour l'orphelin et pour la veuve. Tu te souviendras que tu as été esclave..." [La Bible, Deutéronome, XXIV.]
    « La déco est au taupeUn jardin complètement givré »

  • Commentaires

    1
    Samedi 30 Juillet 2011 à 20:27
    Thaddée Sylvant

    Je comprends que ce soit une situation très difficile a vivre au quotidien, d'autant plus que c'est un "handicap" rare qui ne doit pas vous donner l'occasion de discuter avec des gens comme vous. Merci de votre passage et bonne soirée Columbo. Et bon courage.

    2
    columbo1962
    Samedi 14 Décembre 2013 à 10:36
    columbo1962

    Bonsoir,

    Merci de votre passage sur mon blog. C'est gentil de la part de ma correspondante Bigornette de m'avoir écrit un si gentil texte, car franchement on ne peut pas dire que dans la vie réelle je vois beaucoup de gens aussi sympathique! Vous savz en ce qui concerne mon handicap, j'ai subi un certain nombres d'interventions chirurgicales au cours de mon enfance et adolescence, et bien que cela n'est pas servi à grand chose pour moi, il n'y a pas d'ambiguité quand à mes pensées ou orientation pour être un peu plus précis, mais bon de toute façon je suis seul, j'ai connu une femme il y a 25 ans et elle n'est resté que six mois avec moi, j'étais pourtant attentionnné gentil et elle avait beaucoup d'affection et de tendresse de moi, et bien qu'elle m'est souvent dit que contrairement aux autres, "aux hommes normaux" moi j'étais gentil, eh bien cela ne l'a pas empêché de me laisser. Vous savez, même si l'affectif est plus important que le reste, il faut se rendre à l'évidence, une femme aussi gentille soit-elle ne s'embarrasse pas d'un homme qui ne peut pas lui donner ce qu'un homme normalement constitué peut donner, cela est une évidence et c'est malheureusement la réalité. On peut me dire les mots les plus rassurant et chaleureux qui soit, ça ne change rien à la réalité que je vis chaque jour qui est celle de la solitude. En tout cas, merci d'être passé sur mon blog c'est gentil. Je vous souhaite une bonne fin de soirée.

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