• Ces derniers temps j'ai du mal à m'endormir. Pour quelles raisons, c'est une autre histoire. Il n'est pas rare que je me relève une, deux, ou trois fois, fumer une cigarette et jeter un coup d'oeil par la fenêtre qui donne sur le jardin. Lequel, d'habitude, à ces heures, est complètement noir.

    Hier soir, donc, je me relève et je m'en vais à la fenêtre observer les nuages. C'est toujours un spectacle admirable, que le ciel noir chargé de formes blanches. Il y a, toutes les nuits, quelque chose de fantasmagorique, et même d'irrésistiblement surnaturel, au-dessus du petit chemin d'eau qui descend vers chez moi.

    Mais ce soir il n'y a pas que les nuages qui soient surnaturels. La moitié du jardin est éclairée par une lumière blanche très crue qui semble venir... d'en haut. Sous les arbres, tout est martelé, comme constellé de cubes de glace. Telle est ma stupeur que je reste là à scruter ce phénomène pour le moins surprenant sans penser à me saisir de mon appareil photo. Et pendant que je cherche vainement à comprendre ce qui peut éclairer de la sorte la moitié du jardin, la moitié seulement, l'obscurité revient d'un coup, mettant un terme à l'hallucination !

    Je vais me recoucher, mais dans mon trouble cette image du jardin rempli de cubes de glace, qui rappelait un cimetière, me poursuit, se fixe dans mes yeux et dans ma tête si bien qu'en sursaut je me redresse pour retourner à la fenêtre m'assurer "que tout est normal". Effectivement : le jardin est maintenant plongé dans des ténèbres... plus ou moins rassurantes. Au-dessus, dans le ciel, des étoiles scintillantes font un demi-cercle. Je n'avais jamais observé que les étoiles formaient un cercle. C'est ainsi qu'une angoisse insidieuse me poursuivra tandis que je cherche le sommeil. Malgré moi je pense à ces gens qui disent avoir été enlevés, soumis à des expériences affreusement humiliantes et douloureuses, et renvoyés chez eux parfaitement traumatisés.

    C'est la deuxième fois, depuis que j'habite ici, que je me trouve nez à nez avec des manifestations "extraterrestres". Je parlais déjà d'un vaisseau spatial dans un précédent article ICI. Est-ce que je perds la tête ? "Avant", je communiquais avec les esprits. J'avoue : je préférais. Les fantômes c'est humain. Les extraterrestres ne le sont pas !


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  • DSCI0004-2Du point de vue des spécialistes (lesquels je ne sais pas, des sociologues sûrement)) toutes les générations se plaignent de leur époque et regrettent le bon vieux temps. Nous, nous soupirons : "De notre temps les jeunes n'étaient pas comme ça, il y avait moins de violence. La vie était bien moins chère. Il y avait moins de pauvres gens dans les rues. Il y avait moins de stress et de pression. Et tous ces attentats..." Nous oublions que nos grands-parents, nos parents, ont connu la guerre et la faim. Nous préférons ignorer qu'avant, l'information ne circulant pas comme aujourd'hui, nous étions moins au courant de ce qui se passait dans le monde. Nos parents, eux, soupirent après les vertes campagnes et les balades à vélo dans les chemins fleuris ; déplorent que les jeunes générations n'aient plus le sens de l'engagement : les valeurs familiales et religieuses se sont perdues. Nos enfants, par des étés à 50° sans une goutte de pluie, regretteront "le bon vieux temps" des étés où il ne faisait que 35°. Les anciens, à Rome, se plaignaient déjà des embouteillages, des mauvaises odeurs et du bruit. Plus globalement, de la société qu'ils avaient sous les yeux. Témoin Pétrone.

    Contemporain de Néron, Caius Petronius Arbiter, dit Pétrone (décédé en 66) a d'abord exercé la fonction de proconsul en Bythinie. Puis, il est nommé consul, attribution plus honorifique que politique à l'époque. Il consacre alors beaucoup de temps à l'organisation des fêtes de l'Empire. En devenant membre reconnu de la cour de Néron, Pétrone s'est aussi forgé quelques inimitiés. Ainsi, Tigelin, préfet du Prétoire, le fait accuser d'avoir participé à une conjuration. Soupçonné de trahison par le tyran, il est contraint de se suicider en se tranchant les veines. Avant de mourir, il trouve pourtant le temps d'écrire le 'Satiricon', roman accusateur des moeurs de l'époque. Pour cette oeuvre, Pétrone est même considéré par certains comme le premier romancier de l'histoire. Ecrivain novateur et précurseur, il constitue aujourd'hui un témoin privilégié de la Rome décadente du Ier siècle. [evene.fr]

    C'est donc le propre de l'homme de se plaindre "des temps modernes" et de regretter "le bon vieux temps" dont il idéalise le nostalgique souvenir.

    Il se trouve qu'hier j'ai décidé de prendre le temps de lire. J'ai même dit : "Je lirai le premier livre qui me tombera sous la main". C'était un peu tricher. Vu qu'il y a un an je me suis mis de côté Amours paysannes d'Adeline Geaudrolet en me promettant de le lire dès que j'aurais un peu de temps devant moi.

    Dès les premières lignes, je tombe en arrêt devant le style enlevé de cette dame de 70 ans qui se souvient... non pas du bon vieux temps, mais de sa vie de travail et de déboires. Une voix déviante qui nomme le refoulé et le meurtri.

     

    Tous les chapitres s'ouvrent sur des citations.

      !Amours paysannes

    "Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles,  plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.' [Marcel Proust]

     

    "Il n'est pire misère qu'un souvenir heureux dans les jours de douleur." [Dante]

     

    "Maman disait souvent qu'on n'est jamais tout à fait malheureux." [Albert Camus]

     

    Ce n'est ici qu'une faible représentation de toutes les riches citations (et chansons) qui émaillent les chapitres. Quant au style d'Adeline ! il faudrait recopier de bout en bout ce diable de livre. Comme il faut bien faire un choix...

     

    "Il est un pays où des rivières charrient dans leurs sables de l'or, des pierres, des souvenirs... des grenats aussi. Il est un pays où le lait coule à flots, où le beurre s'amoncelle, vivante synthèse de l'eau, de l'herbe, de l'air et du vent, des animaux et de l'industrie des hommes.
    De grandes dames veillent sur lui, vigiles millénaires : Mélusine, la fée bâtisseuse, et la Dame de Chambrille, pétrifiée dans sa chair.
    Au pays de Galerne, les mouvements sont lents, la parole profondément enfouie.
    C'est là que, bercée par les vents et la vie, par le bruissement des feuillages, une femme attend...
    Elle attend que tourne le vent. Le vent de galerne, ce "chétif vent qui corne trois jours durant". Ce "mauvais vent qui souffle trois jours consécutifs" et qui amène l'eau, utile souvent, dévastatrice parfois.
    Une vie de galerne, c'est une vie à attendre que le temps change, que le temps revienne au beau, pour une femme, pour cette femme, Adeline. Pour toutes les femmes. Galerne, galère, la vie... "

     

    Mais l'extrait qui me frappe le plus au milieu de ce déluge de proverbes, de truismes, de sujets du bac et d'opinions publiques ! c'est très certainement celui-ci (sans perdre de vue que je n'ai fait que feuilleter...).

    "Quand tu moissonneras ton champ, et que tu auras oublié une gerbe dans le champ, tu ne retourneras point la prendre ; elle sera pour l'étranger, pour l'orphelin et pour la veuve, afin que l'Eternel, ton Dieu, te bénisse dans tout le travail de tes mains. Quand tu secoueras tes oliviers, tu ne cueilleras point ensuite les fruits restés aux branches : ils seront pour l'étranger, pour l'orphelin et pour la veuve. Quand tu vendangeras ta vigne, tu ne cueilleras point ensuite les grappes qui y seront restées : elles seront pour l'étranger, pour l'orphelin et pour la veuve. Tu te souviendras que tu as été esclave..." [La Bible, Deutéronome, XXIV.]

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  • enluminure

    Hier soir, je lisais sur un blog ami (à découvrir ou retrouver ICI) : "Pour moi le contenu a plus d'importance que le contenant" (il parlait des blogs). Je suis d'accord avec lui. Le design le plus sophistiqué ne "grandit" pas un contenu médiocre. Il me semble pourtant que le contenant, le thème, le design, l'habillage, l'emballage, n'est pas non plus complètement anodin. Le plat cuisiné le plus fin, servi dans une barquette en plastique, n'est pas très appétissant. Et que serait Noël sans le papier cadeau. L'accroche visuelle est capitale pour piquer la curiosité. Ainsi, je détenais depuis plusieurs années sans l'avoir lu Le Zéro et l'Infini d'Arthur Koestler ; je l'avais en livre de poche. Un jour, on me donna le même roman, mais dans une vieille collection. Je le dévorai d'une seule traite.

    En recherchant, hier soir, un design moins gris et blanc que le mien je me suis fait cette réflexion : "Tiens, c'est vrai. Tout est blanc, les livres, les magazines, les cahiers". Quand j'étais jeune (ça ne date pas d'hier) nous achetions pour l'école des feuillets simples et des copies doubles rose et bleu pâle. J'aimais bien. Ça changeait de l'ordinaire. Ça changeait de la page blanche, hantise des écrivains en panne d'inspiration.

    L'idéal, serait de pouvoir encore écrire sur des parchemins. Mais ils étaient déjà chers à l'époque, on évitait de les gaspiller. Aussi réparait-on les peaux abîmées avec du fil, et on réutilisait les vieux parchemins après que l'écriture en eut été grattée : on les appelle les palimpsestes.

    486px-Saxo original 001

    Le palimpseste (du grec ancien παλίμψηστος / palímpsêstos, « gratté de nouveau ») est un manuscrit écrit sur un parchemin préalablement utilisé, et dont on a fait disparaître les inscriptions pour y écrire de nouveau. Cette méthode fut utilisée au Moyen Âge, surtout entre le VIIe siècle et le XIIe siècle, par des copistes qui, le parchemin coûtant cher, réutilisaient d'anciens manuscrits pour y copier de nouveaux textes. Pour cela, les vieux manuscrits étaient préalablement désencrés ou effacés grâce à de la pierre ponce.

    À cause de cette méthode, plusieurs écrits ont été momentanément ou irrémédiablement perdus : textes juridiques tombés en désuétude, mais aussi textes de penseurs grecs pré-chrétiens, ou textes d'écriture gothique.

    On arrive toutefois à retrouver l'ancien texte dans certains palimpsestes grâce aux techniques modernes de restauration de documents (chimie, imagerie aux rayons ultraviolets, rayonnement synchrotron).

    Wikipédia, L'encyclopédie libre

    Peut-être est-ce en souvenir de ces parchemins, peaux de couleur, qu'on écrit de nos jours sur des blogs de couleur brune. Mais le taupe étant "à la mode de chez nous" il est fort possible que demain les blogueurs veuillent recopier au propre sur des blogs mauves ou verts des brouillons gribouillés... sur des pages blanches.

    Illustration : Page d'un parchemin de la Gesta Danorum, page 1 du Fragments d'Angers, Saxo Grammaticus, Bibliothèque royale de Copenhague, tiré du livre de Helle Stangerup, 2004.

    J'avais déjà évoqué cette question de design des blogs
    dans mon article La déco ne tue-t-elle... ?

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