• J'en ai parlé récemment : je ne crois pas une seconde que soit accepté mon roman noir envoyé fin décembre de l'année dernière aux Éditions La Madolière. Et d'une : parce que j'ai largement dépassé le nombre de signes autorisés (je ne m'en suis rendu compte qu'après l'expédition du manuscrit, trop tard pour revenir dessus, et quand bien même je l'aurais su, je ne me voyais pas mutiler l'histoire que j'avais déjà pas mal coupée et recoupée). Et de deux : parce que je n'ai reçu aucun accusé de réception de mon texte au format PDF. Et de trois (soyons modestes) : d'autres auteurs auront sans doute fait mieux que moi.

    Du coup, je me sens tout à fait libre de vous en proposer ici un extrait. Je rappelle à toutes fins utiles que l'intégralité du roman est déposée chez CopyrightFrance, pour sa protection contre la copie et le plagiat.

    J'ai choisi de vous montrer un extrait assez long pour que vous puissiez prendre la température (chaud chaud) du roman, bien qu'il s'agisse ici d'un passage "politiquement correct" qui ne pourra nuire en aucune façon à l'esprit "tout public" du blog. Il ne saurait être question de choquer la sensibilité de lecteurs non avertis. En vous souhaitant bonne lecture...

     

     



     

    Mais Khader ne croyait pas en la fatalité. Les hommes n’avaient qu’à bien se tenir pour qu’il ne leur arrive rien. Voilà la vérité. Tiens il faudra que je parle à la femme de ménage se dit-il en sautant du coq à l’âne dans son crâne surchauffé. Elle aurait sûrement des choses très intéressantes à dire sur son employeur. Dès le lendemain matin, il reprit la voiture de l’ex-instructeur pour retourner au château. Cette fois, il préféra sonner plutôt qu’ouvrir avec les clés d’Heindrich. Au bout d’un moment, parut dans l’entrebâillement de la porte une tête de femme rougeaude et joufflue surmontée d’une sorte de choucroute. C’était la femme de ménage.

    « C’est pour quoi ? » cria t-elle d’une voix éraillée mais Khader avait déjà forcé l’entrée du plat de sa main sur la porte et pénétrait sous l’armée de mobiles oscillants.  Il se présenta. Elle tombait des nues bon Dieu de bon Dieu, pour n’avoir jamais entendu parler du Centre.

    « Mais comment c’est possible, s’énervait Khader en essayant d’établir le contact, tout le monde connaît le Centre, à trente kilomètres même pas, le bâtiment tout gris surmonté d’un dôme en verre, allons » mais quoi qu’il dise la bonne femme secouait la tête et répétait « jamais entendu parler ».

    - Votre employeur, l’Instructeur Heindrich, y travaille. Vous devez bien être au courant quand même. C’est bien Monsieur Heindrich qui habite ici ?

    Elle regarda autour d’elle.

    - Ben oui mais non dit-elle. C’est quand même pas à lui ici.

    - Ah bon, fit Khader sur un ton plus plat qu’une lame.

    - Ben non. Ici c’est la résidence secondaire de Monsieur Hendry-Mégève vous voyez. C’est pour quand Monsieur Hendry-Mégève veut recevoir des invités.

    - Ah oui, fit Khader avec de moins en moins d’intonations. Mais Monsieur Heindrich y vient souvent lui aussi n’est-ce pas ?

    - Oh pas tellement. Sauf quand il a de la compagnie.

    Sous le regard plus inquisiteur qu’interrogateur de son visiteur matinal elle embraya de sa propre initiative :

    - Quand Monsieur est accompagné par des amis, Monsieur vient ici.

    - Combien d’amis ?

    - Oh c’est un vrai défilé dit-elle en se servant de sa main comme d’un éventail devant son visage. Des types sans chaussures, des négros, des tapettes à chemise bouffante…

             Khader, il s’en foutait des tapettes à chemise bouffante. Lui ce qui l’intéressait c’était l’ami sans chaussures. A savoir : comment le traitait-il, Monsieur Heindrich, cet ami sans chaussures. Il était sympa avec lui ou pas ?

    - Ch’ais pas dit-elle en réfléchissant. Ils s’enferment là-haut (elle montrait du menton le colimaçon qui grimpait vaillamment à la tour Nord). Ils font bien ce qu’ils veulent hein, moi ça me regarde pas.

    - Et quand il redescend l’ami sans chaussures il est dans quel état ?

    Pour le coup la bonne femme le regarda vraiment de travers.

    - Vous croyez peut-être ben que j’ai que ça à faire de surveiller ce qu’ils font et dans quel état ils sont ?

    - Pas du tout, la rassura Khader avec un sourire féroce. Je crois au contraire que vous êtes l’ange gardien de cette demeure et que, comme tout bon ange gardien qui se respecte, vous veillez au grain.

    - Il  est tout flapi avoua-t-elle tout de go. Une vraie flaque.

    - Et Monsieur Heindrich ?

    « Oh lui le pauvre » dit-elle en faisant le signe de la croix et ce fut les derniers mots de la conversation. Du moins, c’eût été les derniers mots si, traversé par une idée subite, Khader ne s’était retourné pour lui réclamer les clés des fameuses tours, surtout celle du donjon Nord « si toutefois vous me permettez d’y jeter un coup d’œil » crut-il bon d‘ajouter avec bienveillance. Elle écarta les mains.

    - Moi j’y vois pas de mal mais c’est pas possible vous comprenez. Monsieur Hendry-Mégève il est passé y a quelques jours et il les a toutes récupérées, toutes les clés sauf la mienne pour l’entrée.

    Il avait fait des cartons aussi, comme pour un déménagement. Il lui avait réglé l’intégralité du mois courant, assorti d’une prime confortable. Il avait l’air très pressé. Avant de partir :

     - Il m’a dit de rentrer chez moi et de revenir quand je voulais d’ici la fin de la semaine récupérer les trucs qui balancent si je voulais pour décorer chez moi et de mettre la clé de la maison dans la boîte aux lettres en partant.

    Khader posa les yeux sur les mobiles. Il y avait ce parfum qui traînait dans l’air, de gardénia, de règles, fade, écœurant. « C’est pas tant ces trucs que je voudrais emmener, dit-elle en regardant aussi les mobiles, mais les robots pour ma cuisine, ça au moins c’est utile. »

     

                               *****

     

    « Double jeu, double jeu » enrageait Khader en rentrant comme un fou au volant de la voiture d’Heindrich. Il doubla la fosse commune et la décharge publique dans un nuage de poussière. Invectiva d’une voix forte, en secouant ses vêtements dès qu’il fut arrivé à proximité de la cellule d’Heindrich, les Gardes qui plantaient devant sa porte. « Ouvrez-moi ça » brailla-t-il et sitôt qu’il eut accès libre entra pour relever à deux poings l’ex-instructeur qui dormait bien tranquillement par terre.

    - Alors comme ça tu nous faisais des partouzes avec Safar au château de Hendry-Mégève ? hurlait-il en cognant à grands coups Heindrich contre le mur. Tu nous as bien roulés dans la farine hein ? Location mon cul !

    - Je ne comprends rien à ce que tu dis, riposta l’ex-instructeur en s’évertuant à le repousser.

    Khader resserrait mortellement son emprise. « Ah non ? souffla-t-il au ras de ses lèvres. Vraiment tu ne vois pas ? Quand Hendry-Mégève louait Safar pour le week-end, ou les vacances, ou les voyages d’affaires, soi-disant ! et que l’avion atterrissait dans le parc du château, putain ! »

    Heindrich se mit à rire. C’était fou, ce type qui se mettait à rire dans une situation aussi délicate. Khader rouvrit les doigts pour le relâcher aussi sec. Il aurait voulu l’étrangler avec la chaîne qui avait pendu Safar l’autre soir au dortoir.

    - Ça te fait rire ? dit-il et sa figure avait affreusement blêmi. J’accuse Hendry-Mégève de…

    - C’est pas ça le coupa l’ex-instructeur en continuant de se marrer. C’est l’avion dans le parc.

    - Tu préfères une piste ? Tu préfères l’hélicoptère ?

    Heindrich ouvrit la bouche. Khader lui en flanqua une bonne sur la joue qui lui tombait sous la main. Là, l’ex-instructeur se calma, enfin.

    - Pourquoi tu l’emmenais là-bas ?

    - Je sais pas de quoi tu parles.

    - Je viens de parler avec ta femme de ménage, elle m’a dit qu’elle t’avait vu plusieurs fois t’enfermer avec des hommes dans une des tours du château.

    - Et alors, fit Heindrich buté. C’est mon affaire non.

    - Si c’était Safar ce n’est plus ton affaire c’est l’affaire du Centre.


    © Thaddée Sylvant, ne pas reproduire, ne pas modifier, pas d'utilisation commerciale


    10 commentaires
  • Ce matin, comme je me sens à l’étroit dans l’écriture poétique ! Pas d’idée, trop d’envies, trop-plein de vide ? Et si tout ce vide réclamait plus d’espace, un espace romanesque, dont je puisse à l’envi dilater les limites ?

    Tu vois cet univers, veiné comme un cerveau, c’est la trace de mes rêves, ils n’ont pas fait long feu…
    Des couleuvres pour ceinture et le reste du temps…
    Nerveux comme le vent qui joue au cerf-volant…

     

    Qu’est-ce que je veux dire ? – Comment dire, en quelques lignes, le mal être, le froid, la fatigue. La peur récurrente d’avoir perdu mon inspiration. Le manque de temps pour écrire, écrire vraiment.

    Comment fait-on pour se libérer de ses propres mots, repousser le cercle vicieux des idées fixes et des obsessions, conquérir d’autres territoires littéraires, plus nobles et plus féconds.

    Est-il encore temps de se réinventer ? – Ou bien plutôt : de se trouver.

    Pression des mots qui se refusent. Oppression. Prison.


    4 commentaires
  • taormina

    Des idées de roman. L'intrigue et les personnages ne sont pas encore stables. Mais il s'agit toujours du même décor. Inspiré de ce que je vois la nuit par ma fenêtre. Une atmosphère, plus qu'un paysage. La photo n'est pas de moi. Je n'arrive pas à retrouver son auteur.


    8 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique